Roadmap ouverte et crowdfunding pour Enalean et son logiciel libre Tuleap

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Je ne me prive pas de dire que le modèle du logiciel libre porté par une unique entreprise est dangereux. Il est souvent porteur d’instabilité à long terme pour le logiciel libre qui se trouve à la merci d’un rachat, changement de stratégie, etc..

C’est un modèle qui est complexe, car fortement ouvert à la concurrence sur ces sources de revenus. Rien n’empêche d’autres sociétés de proposer des prestations identiques à celles de l’éditeur sans forcément contribuer ou rétribuer ce dernier. Cependant, à ce jour c’est l’un des rares modèles qui soit compris des investisseurs « traditionnels ». Il permet de rapidement obtenir des fonds pour financer le développement d’une offre complète et aboutie.

TuleapVoici le cas d’un éditeur, la société Enalean qui développe le logiciel d’ALM (Application Lifecycle Management) Tuleap. Vous remarquerez au passage que nous avons là ce que je qualifierais de bonne pratique avec un logiciel libre et un éditeur qui ne porte pas le même nom. Une façon de jouer le jeu de l’ouverture pour ceux qui souhaiteraient s’investir dans le développement du logiciel. Il n’est pas rare que l’auteur du projet conserve le nom du logiciel pour sa société de façon à garder un avantage par rapport à d’éventuels concurrents. Un client aura forcément plus confiance dans la société qui porte le nom du logiciel que dans une où le lien semble moins évident.

EnaleanC’est au cours d’un échange sur le salon Solutions Libres & Open source de cette année que j’ai découvert la pratique mis en œuvre par Enalean pour la gestion du développement du logiciel Tuleap. Il me semblait intéressant d’en parler, car elle va dans le sens d’une plus grande maîtrise des utilisateurs sur le logiciel. Sachant que c’est eux qui ont les capacités de financement, il serait temps (y compris et surtout dans la sphère non marchande) qu’on leur laisse plus de place, voir le contrôle des projets. Quoi de mieux pour les impliquer !

Manon Midy en charge du marketing a bien voulu répondre à quelques questions.

Philippe : Peux-tu nous présenter ce qu’est un logiciel « d’ALM » ?

Manon : ALM signifie Application Lifecycle Management en anglais, soit Gestion du cycle de vie des Applications en français. Une solution d’ALM permet aux équipes de développement d’avoir les outils nécessaires pour produire des applications plus rapidement, de meilleure qualité et de façon plus automatisée. Un ALM comme Tuleap par exemple, s’adresse certes aux développeurs, mais pas seulement. L’idée est de rassembler autour d’un même outil tous les acteurs qui vont être impliqués dans les projets logiciels de près ou de loin.

Les commerciaux par exemple ont souvent des remontées d’informations intéressantes sur les nouveaux produits livrés puisqu’ils sont en contact direct avec les utilisateurs. Ils ont également besoin de connaître l’état des incidents soumis par un client avant d’aller le rencontrer. Ou encore, vos clients ont besoin d’une plateforme pour soumettre leurs bugs. L’outil ALM va donc fournir des outils à la fois pour la gestion de projet (cycle en V, agile…), des outils pour le suivi des éléments (tracker de tâches, bugs, demandes de support, exigences, spécifications, stories…), une chaîne de développement automatisée (gestionnaire de code source, intégration continue, revue de code), un gestionnaire de document et des outils de communication.

Philippe : Qui sont les utilisateurs de ce logiciel aujourd’hui ?

Manon : Tuleap est utilisé par les développeurs, les directeurs techniques, directeurs de projets, testeurs, product owners, scrum masters, responsables support ou encore acheteurs et commerciaux. Tuleap est déployé dans de grands groupes du type Orange, Ericsson, STMicroelectronics où des milliers d’utilisateurs travaillent avec Tuleap au quotidien.

On le trouve aussi chez Jtekt-Groupe Toyota, Renault ou Delphi. De nombreuses PME et start-ups innovantes ont également vu la productivité qu’ils gagnaient avec Tuleap : Ecrin Systems, Mesulog, Capsys, AceAxis ou encore des instituts de recherche du type B-Com ou des projets libres comme Dolibarr.

Philippe : Comment sont décidées les évolutions du logiciel et qui les finance ?

Manon : Tuleap est un logiciel libre. Enalean, l’éditeur de Tuleap, est une entreprise agile. Enalean décline l’agilité jusque dans son business. Elle a donc créé un service innovant qui combine les avantages du logiciel libre et les valeurs de l’agilité (réactivité, transparence, versions incrémentales).

Il s’agit de l’Open Roadmap. C’est un service qui permet aux entreprises qui le souhaitent de décider de la feuille de route de Tuleap. Elles rejoignent un club de crowdfunding (financement participatif) qui leur permet de choisir les développements des futures fonctionnalités et améliorations de Tuleap en fonction des besoins réels de leurs utilisateurs finaux. Tous les développements restent libres, mais l’avantage c’est que Tuleap avance plus vite dans le sens qui les intéressent. Les évolutions de Tuleap sont donc un équilibre entre « demandes clients », « demandes communautaires » et « stratégie de l’éditeur ».

Philippe : L’Open roadmap a-t-elle apporté à Enalean plus de « sérénité » sur le plan du financement des évolutions du logiciel ?  L’idée est juste de savoir si ce modèle est plus « stable » et pérenne par rapport au modèle traditionnel de la vente de prestations de service ou d’offre SaaS.

Manon : Depuis la création de la société, Enalean a souhaité que Tuleap soit au maximum un projet ouvert à la communauté. L’Open Roadmap a été créé, car nous ressentions une demande forte des grands groupes industriels de mutualisation des développements open source et que nous souhaitions limiter autant que possible les forks, le travers des projets libres. Actuellement, les grands groupes souhaitent beaucoup plus être « écoutés », qu’on prenne beaucoup plus en considération leurs « vrais besoins utilisateurs », avec un processus de livraison plus agile et que les politiques des éditeurs propriétaires semblent assez loin de cela.

Là où le modèle est plus « stable » c’est dans la mesure où l’éditeur que nous sommes est assuré que les développements que nous réalisons répondent bien aux demandes du marché puisque notre R&D est « validée » par les utilisateurs finaux, en direct. Qui dit « logiciel qui répond aux besoins utilisateurs » dit « meilleur usage naturel » donc c’est mieux pour tout le monde. Chez un de nos clients par exemple, la propagation de l’usage de Tuleap s’est fait (et continue à se faire) naturellement et bien plus rapidement que prévu, car les utilisateurs se sont rendu compte tout seuls que le logiciel répondait à leurs besoins.

Pour finir une intervention de Manon Midy lors des premières rencontres des décideurs informatiques de Grenoble à laquelle j’avais également participé sur le thème « L’ALM, le nouveau défi des DSI ou comment gérer encore plus efficacement ses projets logiciels ? ». Tous mes remerciements pour le temps consacré à répondre à mes questions.

Philippe Scoffoni

Je barbote dans la mare informatique depuis 30 ans (premier ordinateur à 16 ans, un ORIC ATMOS) et je travaille à mon compte au travers de ma société Open-DSI. J'accompagne les associations, TPE et PME dans leurs choix et dans la mise en oeuvre se solutions informatiques libres.

7 réponses

  1. Durieux dit :

    Donc ils attirent les clients qui ceulent une fonctionnalité, payent ‘en commun’ l’éditeur de la solution. DOnc le développement n’est pas spécialement ouvert, puisque c’est l’éditeur

  2. Durieux dit :

    qui va être payé pour le développement. Donc on reste sur un logiciel libre = un seul éditeur/contributeur…

  3. Philippe dit :

    Oui l’équation n’est pas fondamentalement changée. Cependant la part de contrôle de l’utilisateur me semble plus élevée que dans les modèles d’éditeur open source traditionnel ou finalement l’utilisateur reste un consommateur et « reçoit » les nouvelles fonctions. C’est cette part de contrôle supplémentaire qui est intéressante et qui donne une stabilité potentiellement meilleure car c’est gagnant/gagnant pour les deux parties et quelque part plus « durable ».

  4. Carl Chenet dit :

    Merci, retour très intéressant sur cette application. Clairement les sociétés, qu’elles soient petites ou grandes, sont souvent gênées par le manque d’agilité des solutions propriétaires. Cela va parfois jusqu’à l’absurde.

  5. GP dit :

    Il s’agit de CROWDfunding (financement par la foule) et non pas de CROWfunding financement par les corbeaux 😉

    Cdlt

  1. 13 octobre 2014

    […] Je ne me prive pas de dire que le modèle du logiciel libre porté par une unique entreprise est dangereux. Il est souvent porteur d’instabilité à long terme pour le logiciel libre qui se trouve à la merci d’un rachat, changement de stratégie, etc..C’est un modèle qui est complexe, car fortement ouvert à la concurrence sur ces sources de revenus. Rien n’empêche d’autres sociétés de proposer des prestations identiques à celles de l’éditeur sans forcément contribuer ou rétribuer ce dernier. Cependant, à ce jour c’est l’un des rares modèles qui soit compris des investisseurs « traditionnels ». Il permet de rapidement obtenir des fonds pour financer le développement d’une offre complète et aboutie.  […]

  2. 13 octobre 2014

    […] Roadmap ouverte et crowfunding pour Enalean et son logiciel libre Tuleap par. Je ne me prive pas de dire que le modèle du logiciel libre porté par une unique entreprise est dangereux. […]