Les « Business Model » de l’open source

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Les logiciels open source sont gratuits. A partir de là on se demande souvent : « Mais comment font-ils pour exister ? ». Le modèle open source est effectivement une « rupture » par rapport au modèle traditionnel des logiciels propriétaires. Et pourtant, l’open source est de plus en plus présent que ce soit chez les particuliers ou les entreprises. Essayons de mettre à plat les modèles économiques ou Business Model de l’open source.

Pour faire cette analyse je vais m’appuyer sur les travaux de Chris Anderson l’inventeur du concept de la Longue traîne. Il a également étudié les modèles liés au « Gratuit » qu’il a classé en quatre catégories. Voyons si nous pouvons appliquer son découpage à l’open source.

GRATUIT 1

GRATUIT 1 : Le consommateur reçoit un logiciel gratuit et paye pour un autre. C’est le modèle de la boite de conserve gratuite offerte pour 3 achetées. Dans le monde du logiciel, ce modèle semble ne pas être très présent et n’est en tout cas pas pratiqué pour les logiciels open source.

GRATUIT 2

GRATUIT 2 : Des revenus grâce à la publicité. Ce modèle est très répandu dans le monde des logiciels gratuits. Il s’agit de ceux dont le code source n’est pas disponible, mais que l’on peut plus ou moins utiliser gratuitement. Une bannière de publicité orne parfois le fronton de ces derniers. Du coté des logiciels open source on peut citer la Fondation Mozilla. Au travers de son extension commerciale la corporation Mozilla, elle a généré en 2007 91% de ses 75 millions de dollars de revenus grâce à ces accords de liens sponsorisés passés avec Google. Ces revenus (80%) sont destinés à la rémunération des développeurs qui travaillent sur les logiciels de la suite Mozilla.

GRATUIT 3

GRATUIT 3 : Freemium pour Free et Premium. C’est probablement dans cette famille que se range en grande majorité les logiciels open source. La plupart des utilisateurs de logiciels open source installent le logiciel et l’utilisent gratuitement. Mais quelques-uns d’entre eux sont prêts à payer pour obtenir une assistance ou une formation de la part d’un tiers. Coté grand public, il y a les distributions comme Mandriva que l’on peut « acheter ». Mais c’est bien sur chez les entreprises que se trouvent les principaux demandeurs de ces services. Pour répondre à leurs besoins il existe :

  • des Société de Services en Logiciel Libres (SSLL) comme Linagora ou Open-wide qui sont apparues ces dernières années et qui ont fait de l’open source leur coeur de métier.
  • des Société de Services en Ingénierie Informatique (SSII) offrent également des prestations autour des logiciels Libres, mais pas de façon exclusive.
  • des éditeurs de logiciels open source. Les concernant, on peut noter l’existence de deux approches. Une première qui consiste à ne proposer que des services de formation, d’assistance technique et de support, le logiciel restant gratuit. La seconde approche consiste à proposer une version dite : « Communauté » librement téléchargeable et dont le support est assurée par ladite communauté des utilisateurs via des forums. Une version payante, sous forme d’abonnement souvent, est elle associée à du support et souvent à des fonctionnalités complémentaires. Il est à noter que ces éditeurs pratiquent aussi la technique du « Dual-licensing » afin de proposer leurs logiciels sous deux licences distinctes. Ainsi une version open-source cohabite avec une version cite commerciale souvent plus évoluées du même logiciel. Citons dans ce cas : la base de données MySQL ou encore le logciel de CRM SugarCRM.

GRATUIT 4

GRATUIT 4 : La récompense est non monétaire. En échange du logiciel celui qui l’a développé reçoit une récompense sous forme de réputation. Bien sur cette réputation peut ensuite être monnayée dans le cadre de prestations de conseil par exemple ou pour trouver un emploi ou encore rejoindre le modèle 3. Le modèle 4 peut-être considéré comme le modèle initiale d’un projet open source.

Sources & images : The Long Tail – Wireds Blogs

Philippe Scoffoni

Je barbote dans la mare informatique depuis 30 ans (premier ordinateur à 16 ans, un ORIC ATMOS) et je travaille à mon compte au travers de ma société Open-DSI. J'accompagne les associations, TPE et PME dans leurs choix et dans la mise en oeuvre se solutions informatiques libres.

19 réponses

  1. Bonjour,

    Ton article très intéressant.
    Je dirais que le modèle 4 est le modèle originel, celui qui a prévalu et prévaut encore pour les logiciels open source menés par une communauté par contre il n’est pas réel dans le cas d’un éditeur open source.

    Comme tu l’as dit pertinemment l’éditeur open source est dans le modèle 3 mais la communauté est plus « fictive » que réelle dans le sens où c’est l’éditeur qui fournit la plupart des innovations, des implémentations…Et maitrise de toute façon l’évolution de la solution. en discutant avec certains d’entre eux tu réalises que c’est même eux qui maîtrise le projet à plus de 90%…

    Ces deux approches montrent bien les tensions qui peuvent exister au sein du mouvement car les enjeux et les intérêts sont souvent très très divergents ! Un contributeur bénévole a une motivation différente, souvent militante, alors que l’entreprise est principalement habitée par la logique du business (normal).

    L’open source a fait ses preuves sur le modèle 4 et ceux qui en ont le plus profité sont souvent les constructeurs/fournisseurs de matériels, type IBM ou Sun, car leurs modèles économiques ne reposent pas sur le logiciel ni uniquement sur les services mais sur une offre globale.
    De même pour google qui a une stratégie globale de diffusion (modèle n°2).

    Il reste maintenant à trouver un modèle  » qui puisse permettre une cohabitation entre éditeurs, intégrateurs et clients.

    A bientôt,
    Jonathan

  2. Exprezzz dit :

    Bonjour,

    Je me demande si les drivers libres ne rentrent pas dans la première catégorie. On paye du matériel, on reçoit gratuitement du logiciel. Il n’y en a pas encore énormément, mais ça commence me semble-t-il.

    My 2 ۍ

  3. Philippe dit :

    @Exprezz, je n’avais pas pensé à cela. Par contre je ne pense pas que cela rentre dans le cas 1.En effet sans pilote, la carte ne peut fonctionner. Le cas 1 c’est le produit gratuit que l’on t’offre lorsque tu en achétes un.. Si tu achétes une carte graphique, le driver vient forcement avec. Dans l’absolu, le driver est toujours gratuit. La bonne analogie, c’est le jeu que l’on t’offre avec la carte graphique. Là c’est le cas 1.

    Les drivers open source, c’est une démarche plutôt marketing à mon sens. Les fabricants de matériel savent que la plue-value n’est pas dans le driver. En libérant le code il se donne juste l’opportunité de bénéficier de l’apport de fou-furieux du code qui viendrait optimiser les drivers.

    C’est un peu comme la box de SFR/NEUF Telecom l’open source est pour eux à la fois un argument marketing et un levier pour démultiplier les fonctionnalités potentiels d’un matériel.

    Ta remarque me fait dire qu’il y a peut-être un cinquième modéle pour l’open source…

  4. Sylvain dit :

    Merci pour ce billet.
    L’approche avec les schémas est sympathique.

  5. Arnaud dit :

    Merci beaucoup pour ce billet.
    Dans quel cas ferait-on entrer les donations ? Je pencherai pour le 4 mais tu y met seulement le non monétaire, pourquoi ?…
    Aurais-tu des infos / stats sur la viabilité de projets / produits OS basé sur donation par rapport à ceux répondant au model 3, que l’on voit vraiment de plus en plus j’ai l’impression – le produit gratuit étant un excellent produit d’appel.

  6. Philippe dit :

    @Arnaud : effectivement ce modèle basé sur le don n’est pas représenté ici. Le 4 ne prend pas en compte le monétaire effectivement. Il faut bien voir que j’ai ici adapté des schémas conceptualisés comme je l’indiquais dans l’article par Chris Anderson. Ils n’ont pas été conçus spécifiquement pour l’open source.

    Je n’ai pas de chiffres précis. Par expérience, je dirais que les projets basés sur les dons sont plutôt rares. Ce qui est certains par contre, c’est que certains projets sont « sponsorisés » par de grosses sociétés qui mettent à disposition des développeurs. C’est n’est pas vraiment un don, mais c’est une participation financière indirecte. On peut donner l’exemple de Microsoft qui a décidé de verser 100 000$ annuels à la fondation Apache.

    Mais je joue sur les mots, bien que je pense qu’il faille bien différencier le don du sponsoring : idéal vs réaliste ?

  7. Olivier dit :

    Excellent article qui m’a permis de découvrir ton blog. Je n’imaginais pas que Mozilla ramassait autant avec Firefox. C’est amplement mérité mais je ne pensais pas qu’on pouvait gagner autant avec du libre.

  8. Philippe dit :

    @Olivier : Merci de ta visite et au plaisir de te lire à nouveau !

  9. tableau dit :

    Article très intéressant et qui récapitule bien les différents niveaux d’approches commerciales pour les « bénévoles » du net.

    Google a connu son succès grâce à ça, il faut en prendre de la graine…

    L’avenir appartient au gratuit!

  10. Philippe dit :

    @tableau : au gratuit peut-être pas, mais à une autre forme d’économie basée sur la contribution..

  11. Marlon dit :

    blog interessant et droit au but

    Petite question:
    dans le modele 4, le code source est disponible?

    Une autre question:
    je realise un logiciel avec QT LGPL. je veux livrer mon logiciel sans le comercialiser. Le code source n’est pas disponible. Je pense suivre le modele 4. Est-ce que je suis obligé à mettre a disposition le code source??

    Merci

  12. Philippe dit :

    @Marlon : non pas forcément. les modèles dont je me suis inspiré sont ceux du gratuit. Je les ai juste analysés par rapport à l’open source. Donc ces modèles peuvent s’utiliser pour des projets propriétaires.

    Juste par curiosité pourquoi ne pas adopter une licence open source pour votre projet ?

  13. Marlon dit :

    C’est la crainte normale de donner le code source. C’est une des premières questions que l’on se pose. Je viens de commencer à étudier le business de l’open source.

  14. Marlon dit :

    Je me penche sur un modèle de migration. Les logiciels commencent comme des produits commerciales traditionnels et après ils deviennent open-source au moment approprié.

  15. Philippe dit :

    @Marlon, c’est une peur bien compréhensible et qu’il n’est pas évident de dépasser. La crainte de voir un concurrent se saisir du code et reprendre le logiciel à son compte. Mais elle ne tient pas si vous utilisez une licence GPL car le code produit par ce concurrent devra être aussi accessible et vous bénéficierez aussi de son travail…

  16. Bravo pour votre aricle très clair et qui m’aide à comprendre les choses, au-delà des analyses déjà brillantes de E.S. Raymond dans la Cathédrale et le bazaar.

    Nous éditons un logiciel open source dont nous distribuons deux versions, une gratuite et une payante, automatiquement associée à du support. Et ce modèle fonctionne bien.

    Pour l’anecdote : certains clients ne connaissent que le modèle propriétaire et nous demandent souvent d’appeler licence ce qui n’est en fait qu’un abonnement annuel pour du service.

  17. Philippe dit :

    @Thomas : C’est un article qui a l’époque m’avait permis de mettre au clair ma vision sur le modèle de Libre et de l’open source. Je pense qu’il va être grand temps de le remettre à jour ou d’en faire une version plus élaborée.

  18. Mettre à jour : hum oui mais ce qu’il dit n’est pas dépassé.

    Plus élaboré : oui, ce serait très utile. Nous venons de passer de : « je donne le produit, je vends le service » à Dokeos FREE VS Dokeos PRO. Et il y a plein de subtilités qui me viennent à l’esprit autour de cette problématique. Par exemple :

    En discutant avec ma copine de la fameuse phrase de E.S. Raymond « Donnez la recette, ouvrez un restaurant », elle me dit : « Oui, mais souvent les restaurateurs ouvrent un restaurant sans donner leurs recettes… »

    Mais aussi : entre le modèle produit gratuit / service payant et le modèle d’une version PRO avec plus de fonctionnalités, la différence peut n’être qu’apparente : en réalité, sous le label « licence pro » on vend ce que l’on appelait précédemment service. C’est plus une question d’emballage et de parler le langage « normal » de l’informatique qu’un changement de modèle économique me sembl-t-il.

  19. Bonjour,
    Je découvre cet article, un peu tard, et le fil des échanges intéressant qui s’ensuit.
    Sur ces mêmes sujets, je me permets de citer un article récent:

    Ainsi que le livre blanc de Smile intitulé « Introduction à l’open source et au logiciel libre », téléchargeable ici: http://ftp.smile.fr/client/Livres_blancs_Smile_2/LB_Smile_Open_source.pdf
    P. Bertrand.