Une fondation française pour le logiciel libre ?

closeCet article a été publié il y a 13 ans 4 mois 28 jours, il est donc possible qu’il ne soit plus à jour. Les informations proposées sont donc peut-être expirées.

C’est en visionnant la vidéo d’une interview de Tanguy Morlier (président de l’APRIL) et de Patrice Bertrand (SMILE et président du CNLL) que j’ai découvert cette information qui m’avait échappé.

Le CNLL (Conseil National des Logiciels Libres) souhaite la création d’un statut de fondation FLOSS (Free/Libre open source software). L’objectif est d’obtenir la reconnaissance d’utilité publique pour ces fondations par un décret du Conseil d’État. Ce statut permettrait alors d’offrir des avantages fiscaux pour les dons qu’elle recevrait..

Ces dons pourraient prendre la forme de code source qui serait alors cédé à la fondation, devenant de fait l’unique dépositaire. La fondation assurerait alors la gouvernance du projet et fournirait l’infrastructure permettant son développement. Bien entendu le logiciel passerait sous une licence de logiciel libre.

Les dons en temps/homme seraient également possibles sous la forme de participation aux projets maintenus par la fondation sans parler des dons numéraires classiques. N’oublions pas que les dons aux associations ou fondations d’intérêt général ouvrent droit à un crédit d’impôt de 66% pour les particuliers et 60% pour les entreprises dans la limite de 0,5 % du chiffre d’affaire.

Ainsi lorsque je donne 100€ à une association, je décide de comment seront utilisé 66€ d’impôts puisque je ne les donnerais pas à l’état. Encore faut-il payer des impôts il est vrai.

Que penser de cette démarche ?

Un des objectifs affichés est de combler l’absence de Fondation française équivalente à Mozilla ou encore à la Fondation Apache. La fondation dispose d’une image en général positive et est dans l’esprit collectif associé à des oeuvres de bienfaisance agissant dans le but de l’intérêt commun. Les logiciels libres sont un bien commun. Il peut donc sembler naturel qu’ils soient portés par ce type de structure plutôt que par des sociétés commerciales.

A titre personnel, j’avoue que cela fait peu de différence du moment que le logiciel est placé sous licence libre ou open source. On pourra évidemment pointer du doigt les travers et le comportement de certains éditeurs commerciaux de logiciels libres ou open source. Mais ce n’est pas une généralité et il existe des éditeurs respectueux de l’éthique du logiciel libre et des principes de l’open source.

Il est également possible de pointer les dérives de fondations ou d’associations qui peuvent être des lieux où règnent des luttes intestines pour le  contrôle de la gouvernance de l’association quand  elles ne servent pas de moyen de détourner des fonds dans un intérêt personnel.

Le procès d’intention que je ne ferais pas à la CNLL serait de penser qu’il ne s’agisse que d’obtenir un moyen de financement détourné du développement de logiciels libres utile à leurs affaires. Et quand bien même oserais-je dire si cela finance le logiciel. Ce point est clairement mis en avant. Le document de présentation annonce clairement qu’il s’agit bien là d’un moyen d’inciter les entreprises à contribuer.

Ce point est important, car dans le cycle de vie des logiciels libres qui passent par un déploiement en entreprise ce point du reversement reste encore rarement pratiqué. Or il est indispensable au bon fonctionnement du cercle vertueux du logiciel libre.

D’autres possibilités ?

Obtenir de l’état un agrément n’est pas chose simple. Le dossier sera probablement long à porter. De plus, la création d’une fondation suppose une dotation initiale de l’ordre de 800 000 à 1 million d’euros, ce qui n’est pas à la porté de tout le monde.

Dans l’attente il est cependant déjà possible d’envisager des structures équivalentes en utilisant les statuts d’associations ou de fonds de dotations. Si le statut d’association loi 1901 est assez connu, le fonds de dotation est plus récent. Née de la loi n°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, il s’agit d’un statut assez proche, mais apportant quelques possibilités supplémentaires par rapport à l’association.

Contrairement à la plupart des associations, qui ne disposent que de la capacité de recevoir des dons manuels et de détenir seulement les immeubles « strictement nécessaires » à leur objet, les fonds de dotation jouissent de la grande capacité juridique : ils peuvent recevoir librement toute forme de libéralités (dont les donations et les legs) et peuvent détenir des immeubles de rapport. A la différence des fondations reconnues d’utilité publique (créées par décret après avis du Conseil d’Etat), les fonds de dotation sont créés par simple déclaration en préfecture, sans autorisation préalable d’une quelconque autorité. [Source]

Un fonds de dotation peut ainsi être créé par plusieurs associations, un ou plusieurs particuliers, des entreprises ou encore des collectivités locales.

Et l’Europe ?

Si cette initiative franco-française voit le jour, elle restera cependant cantonnée à notre petit hexagone. Or les logiciels libres sont par essence « internationaux ». Pour arriver à la hauteur des grandes fondations nord-américaine, c’est peut-être davantage à l’échelle européenne que devraient se mettre en place les choses.

Cependant, d’après quelques sources bien renseignées, on en « parle » depuis plus de 10 ans, mais rien n’a été fait d’un point de vue concret. Les textes permettent par exemple a un donateur Belge de donner à une association française et d’ouvrir droit à des réductions d’impôts en Belgique et inversement. Mais dans la pratique ce serait loin d’être aussi simple. Donc pour le moment il faut créer une structure par pays, un peu comme la Croix Rouge avec son siège international a Genève et des associations/fondations dans chaque pays du monde.

En conclusion

Le modèle associatif peut permettre de réaliser déjà pas mal de choses et peut représenter une bonne première étape pour ceux qui souhaitent structurer un projet et le pérenniser. Un modèle pour ceux que les mots business plan, start-up, capital-risque, joint venture et j’en passe repousse.

L’initiative de la CNLL n’est pas à rejeter pour autant. Elle peut servir d’exemple pour une initiative plus globale au niveau européen. Elle peut aussi servir de base pour donner aux logiciels libres une visibilité, une « marque » qu’ils n’ont pas aujourd’hui vis-à-vis du grand public.

Mais tout dépendra de la gouvernance et des projets qui seront pris en charge par ces fondations. Une démarche qui obligera aussi  l’état français à s’engager et à prendre une position claire à l’égard du statut des logiciels libres.

Pour en savoir plus :

Un comparatif entre les statuts de fondation, fonds de dotation et associations

Philippe Scoffoni

Je barbote dans la mare informatique depuis 30 ans (premier ordinateur à 16 ans, un ORIC ATMOS) et je travaille à mon compte au travers de ma société Open-DSI. J'accompagne les associations, TPE et PME dans leurs choix et dans la mise en oeuvre se solutions informatiques libres.

11 réponses

  1. Laurent dit :

    « association porteuse de projets de logiciels libres » :

    Multi projets :
    http://adullact.org/
    http://www.ow2.org/
    http://www.freecloudalliance.org/

    Après pour pratiquement chaque projet libre collaboratif développé en France ou en Europe, il y a une structure associative derrière.

  2. Philippe dit :

    Une fondation n’a pas forcément besoin d’une dotation initiale de 800000 à 1 million d’euros.
    Elle doit annoncer clairement ses objectifs, prouver qu’ils sont d’utilité publique, et donner la garantie qu’elle a les moyens de les mener à terme, en toute indépendance, notamment financière.

    C’est ce dernier point qui justifie souvent la nécessité d’une grosse mise initiale. Mais dans le cas d’une fondation pour le logiciel libre, où il s’agit de gérer des biens immatériels, et où il n’y a pas d’enjeu de pouvoir sur la possession des outils de production, les contraintes ne sont pas forcément les mêmes.

    Dans ce cas, la dotation initiale, à moins qu’il ne s’agisse d’un legs, risque d’engendrer plus de problèmes de dépendance qu’elle n’en résoud.

  3. Philippe dit :

    @Laurent : oui bien sur… Je vais aller faire une sieste ça ira mieux après….

  4. Bonob0h dit :

    Si la forme juridique est importante, le plus important c’est le projet lui même !
    Pour le libre, il faut notamment du lourd, pardon, du MASTODONTE et accessible jusq’aux familles Michu 😉 à contrario de plein de petits bouts pour les geeks 😉

  5. Lord BlackFox dit :

    Aaaaah cette manie française de vouloir tout franciser au point de de mettre un joli petit « Libre » dans un groupe de mot en Anglais… 😉

  6. Philippe dit :

    @Lord BlackFox : paradoxalement et pour lire pas mal d’article en anglais le mot libre est très souvent employé par les anglo-saxon. Le mot à l’avantage d’être moins ambiguë que Free. Exemple : le Tio Libre : http://www.tiolibre.com/

  7. bonob0h dit :

    @@Lord BlackFox : a force de laisser filer une égémonie, s’en est une autre qui prend ensuite le dessus !
    J’aimerai bien voir la réaction des anglophones dans qq années si le Mandarin devient égémonique !
    On voit déjà le résultat dans certains états américains avec l’espagnol !

    Sinon pour mettre tout le monde d’accord et ne pas faire la part belle a une langue plus qu’une autre :
    PROGRAMARO LIBRA ! 😉

  8. Jean (Wecena) dit :

    La manière dont le CNLL a formulé ce projet est un peu confuse ou maladroite :

    – comme vous l’indiquez, inutile de recourir à une fondation puisqu’un fonds de dotation (beaucoup plus léger et souple) suffirait largement,

    – la reconnaissance d’utilité publique par le Conseil d’Etat est inutile car cette procédure n’a absolument rien à voir avec le fait de pouvoir générer des économies d’impôts ; on confond très souvent « reconnaissance d’utilité publique » et « organisme d’intérêt général », et il faut être « d’intérêt général » (pas « d’utilité publique ») pour générer des économies d’impôts en échange de dons

    En fait, la seule chose qui manque pour répondre aux voeux du CNLL, c’est :

    – soit, option peu probable en ces temps de rigueur budgétaire, que l’article 238 bis du code général des impôts soit amendé pour que l’on ajoute la distribution de logiciels libres parmi les critères d’intérêt généraux déjà acceptés (humanitaire, philanthropie, science, défense de l’environnement, etc.), auquel cas de nombreuses association de défense du libre deviendront immédiatement d’intérêt général au sens fiscal,

    – soit, option plus facile, que l’on créé une association ou un fonds de dotation dont l’objet social serait la promotion, la défense et le développement de la culture du libre et/ou des connaissances scientifiques et technologiques françaises en matière de logiciels libres et/ou l’éducation à la liberté intellectuelle par le biais de la création logicielle ; en effet, ces 3 finalités (culture, science, éducation) sont 3 des critères qui permettent à un organisme non lucratif d’être « d’intérêt général » au sens de l’article 238 bis du CGI et donc de créer de l’économie d’impôts au titre du mécénat, dans la loi actuelle, sans avoir besoin de la changer.

    En pratique, l’association « Free Software Foundation France » (chapitre français de la FSF) est déjà un organisme d’intérêt général et génère déjà des économies d’impôts pour ses donateurs. Mais, par prudence, la FSFF n’accepte de générer ces économies que pour les dons concernant des projets libres à caractère éducatif ou scientifique.

    Pour finir, et pour me faire ma petite pub (vous pouvez zappez si vos yeux sont trop chastes), j’invite toutes les SSLL qui auraient parfois un peu d »intercontrat à en faire don à la FSFF pour contribuer à l’un des projets scientifiques et éducatifs qu’elle soutient et que j’accompagne en tant que consultant. Je me ferais un plaisir d’accueillir et d’encadrer ces volontaires pour contribuer à l’intérêt général ! Voici les projets en question :

    Plus d’infos sur le wecena ici

  9. bonob0h dit :

    @ Jean
    Pas besoin de créer d’autres formes d’intérêt général « précises »
    Le cadre actuel suffit largement amplement et sinon il faudrait l’interêt général pour le rugby, la photographie, la danse, etc

    La prudence n’a rien avoir ! Un outil libre quelqu’il soit peut être utile pour l’art, la culture, les sciences, l’enseignement etc !

    Le soucis comme j’ai déjà pu en parler c’est tout un modèle différent car le modèle actuel ne sert qu’a des amateurs éclairés ou ce qu’on appel « geek » voir quelques « pro »

    Sinon la FSFF et quelques autres sont ce qu’on pourrait appeler des Syndicats, des réprésentations qui ne peuvent pas « faire du logiciel libre » au sens « produire » car sinon il y aurait partie prenante sur tel ou tel outil !

    Et il y a tellement d’outils « bêtements » concurrents qu’il faut s’y prendre autrement pour développer une vrai alternative libre ! Trop de « clans » tuent le libre ! Je ne parle même pas des comportements de certains clans ou membres de clans qui ne favorisent pas une vrai altenative libre ! Le monde du proprio n’a même pas a organiser la division pour mieux règner ! elle est déjà en place !

  1. 20 novembre 2010

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