Ubuntu 12.10 : Affiliation, donation, de Charybde en Scylla ?
Canonical, la société mère d’Ubuntu, multiplie dans sa future version 12.10 les tentatives de créer des petits ruisseaux de revenus autour de sa distribution GNU/Linux. Cependant, les recettes employées semblent quelque peu réchauffées et ont pour certaines montré leurs limites.
Ubuntu, je t’aime moi non plus
Que l’on aime ou pas cette distribution et Unity son bureau par défaut, il faut lui reconnaître d’indéniables qualités. La première et non des moindres : celle de représenter ce qui se fait de plus abouti dans le monde des distributions GNU/Linux. Un support matériel très satisfaisant, un côté Glamour, bling-bling façon MacOSX, un support de cinq années de ses principales versions ;bref bien des arguments pour l’adopter.
Ubuntu reste la plus répandue des distributions, même si ces derniers mois ont vu monter en puissance le clone Linux Mint. On pourrait se battre à coup de chiffres sur ce dernier point, mais je crois qu’il est difficile de nier cet état de fait.
Quant au modèle choisi par Mark Shuttleworth, je crois avoir déjà assez souvent répété qu’il ne me semblait en aucun cas adapté au logiciel libre. A l’open source par contre, cela ne fait aucun doute. La domination de la gouvernance sur un logiciel libre par une seule entreprise a été plus d’une fois la cause de terribles déconvenues.
Générer un revenu
Voilà qui est en effet l’objectif premier de Canonical. Aucun chiffre ne transpire à ce jour des résultats de la société. Une opacité qui lui est bien souvent reprochée.
La future version 12.10 d’Ubuntu semble contenir de nouvelles tentatives de monétisation de la distribution. C’est tout d’abord le système d’affiliation avec la boutique en ligne Amazon qui est venu s’ajouter discrètement dans le résultat des recherches du bureau. Un dispositif qui vient compléter les services payants proposés par Canonical dont le principal est Ubuntu One. Un service qui est désormais accessible depuis les systèmes MacOSX.
Les dons maintenant ?
Voici que vient d’apparaître une nouvelle page lorsque l’on essaie de télécharger Ubuntu. Cette page incite l’utilisateur à faire un don. L’approche est assez particulière puisqu’il est possible de choisir à quoi sera employée la somme ainsi donnée.
Bien sûr, tout en bas, il est possible de cliquer sur un bouton « Not Now ». Ceux qui ne souhaitent pas contribuer ainsi auront quand même droit à une petite tête de mort qu’ils apprécieront, je pense.
Je vois plusieurs défauts à cette page. Tout d’abord, vis-à-vis de nouveaux arrivants, il est possible qu’ils fassent demi-tour sans voir la possibilité de continuer sans payer.
Ce système de collecte de fond est inefficace. Le don n’est pas un modèle qui fonctionne aujourd’hui, à la limite le don a priori sur la base d’un projet bien marketé comme on le voit sur les sites de crowfunding. Mais a posteriori, c’est trop tard, car le produit est disponible.
De plus, donner de l’argent à une entreprise, voilà qui est pour le moins déroutant. En général, on donne à des associations ou fondations ; pas à une société domiciliée dans un paradis fiscal.
Quant à la destination finale des fonds qui transitent donc par Canonical, ils sont, n’en doutons pas, à destination unique du projet Ubuntu comme l’affirme haut et fort Steve George, VP of Communications and Products à Canonical.
Au fait quelqu’un a-t-il accès aux comptes pour s’en assurer ? Encore une fois, l’obstacle de la gouvernance par une entreprise d’un logiciel libre rend cette option du don inappropriée.
Le don doit rester réservé aux associations et fondations dont la gestion se doit au moins d’un minimum de transparence ou tout du moins celle-ci est-elle exigible. De plus seuls ces dernières permettent dans la plupart des pays de faire bénéficier les donateurs de réduction d’impôts quand ils en paient. Un levier à ne pas négliger surtout si on s’adresse aux entreprises.
Demain ?
Les jeux certes semblent être une piste qui n’est pas inintéressante, mais elle prendra encore pas mal de temps avant de pouvoir peut-être imposer Ubuntu comme la plate-forme des Gamers, quand on sait la difficulté à obtenir des pilotes graphiques réellement performants pour le noyau Linux.
La question qui tourne dans mon esprit, ce soir, est de savoir ce que Canonical va imaginer demain si ce qui est actuellement mis en place échoue à générer des revenus significatifs comme je le crains. J’avoue être inquiet.
Le conseil que j’oserais donner à Canonical serait d’axer ses efforts sur les services accompagnant Ubuntu. Ces derniers restent à ce jour la source de revenus à privilégier pour les entreprises portant du logiciel libre. Une approche qui reste, à mon sens, la plus respectable vis-à-vis des libertés de l’utilisateur, tant que ces services ne sont pas obligatoires.
Est-ce que les dons ne vont pas plutôt à la Fondation Ubuntu au lieu de Canonical? On le sait ou ce n’est pas précisé du tout?
Il est écrit dans l’article de Steve George :
> people can choose to financially support different aspects of Canonical’s work
Je crois que c’est clair.
Dans la liste des curseurs il y en a un nommé :
« Community participation in Ubuntu development »
On peut supposer que c’est la façon d’indiquer que l’on souhaite que l’argent aille à la communauté ou que Canonical aide la communauté.
> « Ceux qui ne souhaitent pas contribuer ainsi auront quand même droit à une petite tête de mort qu’ils apprécieront, je pense. »
Assez d’accord avec toi. Les autres images sont humoristiques, mais celle-ci semble plutôt faite pour te faire sentir coupable. :-/
> « De plus, donner de l’argent à une entreprise, voilà qui est pour le moins déroutant. »
En fait ça a été demandé par de nombreux utilisateurs d’Ubuntu.
Rien que sur les articles en rapport avec l’affichage de pub (affiliation Amazon) par défaut, j’ai vu pas mal de commentaires disant des trucs du genre « Mais pourquoi mettre de la pub ? Personnellement je serais ravi de faire un don, payer pour Ubuntu en quelque sorte. »
Donc finalement, il semblerait que ça réponde à un réel désir de la part de certains utilisateurs.
> « Est-ce que les dons ne vont pas plutôt à la Fondation Ubuntu au lieu de Canonical? On le sait ou ce n’est pas précisé du tout? »
Jono y a répondu :
Canonical will act as a steward for the money and ensure it is managed fairly and in accordance of the user’s wishes…ensuring it goes to the part of the project outlined in the form. Importantly, Canonical will not be using the money for any Canonical business-orientated functions; all of the contributions will be used to fund the Ubuntu project and continue it’s growth and development.
-> http://www.jonobacon.org/2012/10/09/easier-financial-contributions-to-ubuntu-2/
Mais comme le dit Philippe, les comptes de Canonical ne sont pas publics, donc chaque donateur doit leur faire confiance sur ce point là. (après tout, ils ont déjà un accès root sur toutes les machines Ubuntu 😉 )
> « Canonical, la société mère d’Ubuntu, multiplie dans sa future version 12.10 les tentatives de créer des petits ruisseaux de revenus »
En fait, on s’est amusé à faire le calcul l’autre jour avec misc.
Canonical annonce 20 millions d’utilisateurs d’Ubuntu (note : on ne sait toujours pas comment ils arrivent à ce nombre), et a comme objectif 200 millions en 2015.
Mettons (chiffre sorti totalement au hasard) que 10% des utilisateurs d’Ubuntu fassent des achats sur Amazon à travers le Dash d’Unity. Mettons qu’ils achètent pour 100$ par an.
Les contrats d’affiliation avec Amazon permettent à Canonical de recevoir entre 4 et 15% des achats.
Au final, ça fait :
(10% * 20.000.000) * (4% * 100EUR/an) = 8.000.000EUR/an
C’est pas déconnant comme chiffre.
Si ils arrivent à négocier les 15% (c’est au volume, donc plus ils ont d’utilisateurs qui achètent, meilleur est leur pourcentage), ça donne :
(10% * 20.000.000) * (15% * 100EUR/an) = 30.000.000EUR/an
S’ils atteignent leur objectif de 200 millions d’utilisateurs, ça devient :
(10% * 200.000.000) * (15% * 100EUR/an) = 300.000.000EUR/an
Et les chiffres de 10% des utilisateurs qui achètent 100EUR par an chacun, c’est évidemment une approximation bidon que j’ai sortie d’un chapeau. 🙂
Les vrais chiffres pourraient être bien en dessous, ou bien plus grand.
Mais même si tu es ultra dubitatif et que tu considères que seul 1% des utilisateurs d’Ubuntu vont acheter pour 100EUR par an sur Amazon en moyenne, tu obtiens entre 800.000 et 30.000.000 EUR/an.
Du coup, je suis pas convaincu que ce soit un si petit ruisseau que ça. 😉
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Full disclosure : je suis contributeur Fedora. J’ai essayé d’être au maximum impartial et de ne pas porter de jugement dans ce commentaire. Si malgré tout je donne l’impression de « pourrir la concurrence », c’est que j’ai échoué et j’en suis désolé.
@bochecha : sur les dons, je continu de ne pas y croire même si des utilisateurs ont exprimés la possibilité de le faire. Il me semble qu’il est de notoriété que mis à part sur des opérations ponctuelles bien « vendues » le don ne fonctionne pas. Quel développeur de logiciel libre ou blogueur plus ou moins influant n’a pas déjà essayé le coup du bouton Paypal ? En général ça ne rapporte rien. Donc je persiste à ne pas croire à cela.
Pour ce qui est de l’affiliation, je suis d’accord que peut-être il y a une possibilité de ce côté là. La fourchette de 800 000 à 30 000 000 ne me semble pas effectivement abérante. Reste à voir si les hypothèses prises sont valables. Perso si j’achéte pour 20€ par an sur Amazon c’est le bout du monde, mais je sui speut-être un mauvais consommateur 🙂 Et puis les utilisateurs d’Ubuntu ne continueront-ils pas de passer par leur navigateur ?
Mais il reste pour moi le probléme central, quelle part de ces revenus générés en partie sur le travail de bénévoles leur revient directement ou pas ?
Puisque tu parles de Fedora, je préfére le modéle de Red Hat (une entreprise) avec sa distribution purement communautaire et sans affiliation, ni don ou autre et une distribution « payante ». Au moins les choses sont claires, pas de mélange. Après les mauvais langues diront que Fedora est une distribution Laboratoire peu adapté au Michus ce qui il me semble devient de moins en moins vrai, mais on est pas encore au niveau d’Ubuntu et surtout pas de version supporté à « long terme » ce qui reste un argument fort, mais qui a un prix.
Tiens ça va faire baisser un peu tes chiffres :-p
Comment désactiver Amazon dans Ubuntu
@ Philippe … Le don ne fonctionne pas bien en France mais plutot bien dans les pays anglo saxon. Du reste aux US, c’est un mode de fonctionnement généralisé. Se pose même le problème de la surveillance puisque la quasi totalité des américains ne se préoccupent pas de l’emploi de leur dons !
@ tous … ne pas se préoccuper du problème est le meilleurs moyens qu’il ne se développe pour ainsi contribuer a tuer les emplois, et accroitre les bénéfices d’entreprise qui sans de tels modèle ne serait pas viable. A ce propos quelques exemple :
Depuis la crise de 2008 … en france le nombre de stagiaires annuel est passé de 800 000 à 1,2 millions ! alors que dans le même temps le chômage augmente ! Les entreprises des ntic, Fai, prestataires, etc et avec les boites de communication, et d’autres services, sont les plus gros consommateurs de stagiaires !
Une entreprise comme facebook à pu se développer de façon internationale notamment par les traductions dans de très nombreuses langues réalisées par des bénévoles ! Ensuite seulement l’entreprise est entrée en bourse !
Et on pourrait en démontrer des pages et des pages !
Bien sur l’opensource/libre n’est pas en reste de ces modèles ! En participant à ce qui se fait, on contribue d’une manière ou d’une autre à tous ces dégâts alors même que l’on dénonce les travers quand il s’agit d’autres entreprises !
Il serait donc temps de s’y prendre autrement !
PS : Un exemple tout chaud – http://politeeks.info/rapport_liberal_fleur_pellerin#comment-30241
Comparer Red-Hat et Canonical n’a pas vraiment de sens.
Le premier est centré sur les solutions pro et serveurs. Alors que Canonical essaye aussi de s’investir sur le domaine du Desktop pour tous.
A partir de la en effet Red-Hat n’ayant rien a faire du monde du desktop pour tous n’a rien a rentabiliser. A contrario Canonical étant un peu le premier dans ce domaine doit trouver d’autres sources de revenus et essayer d’etre inventif. Évidement ils vont surement se planter sur certaines solutions et, espérons trouver des idées qui marchent. Ils pourraient ainsi défricher le terrain pour ceux qui voudraient suivre ensuite.
@seb24 : pour autant Redhat est un contributeur majeur du développement du noyau, de Gnome aussi, tout comme Suse, et toutes les deux sont des entreprises.
À côté les participations de Canonical sont bien faibles et, en tant qu’entreprise, tire une large part des développements des bénévoles, sans oublier Debian bien sûr qu’elle « pompe » en très grande partie.
En retour ? des demandes d’agrément comme pour Upstart, des « non-free », etc; etc.
Je pense que Philippe, ne serait-ce que par les titres en gras de ses chapitres résume bien la situation de Canonical et les interrogations.
Bonjour
Je n’ai pas vu de tête de mort en ne faisant pas de dons pour télécharger Ubuntu sur le site. Peut-être était-ce une blague potache des premiers jours.
Concernant les dons, on peut voir que l’argent peut servir à financer les saveurs officielles d’Ubuntu, donc tout n’est pas centralisé par Canonical comme on peut le croire dans l’article. Il y a aussi une tirette pour la coordination avec Debian ou ce qui est upstream. Peut-être que Canonical va financer ces projets.
Le système Fondation/Entreprise commerciale est assez compliqué à comprendre d’un point de vue économique. On ne peut pas faire n’importe quoi n’importe comment. Les passerelles sont complexes.
Si je m’en réfère à une récente discussion avec les MozDev, il semblerait qu’une société commerciale liée à une fondation ne puisse faire de dons à cette fondation que si la fondation reçoit déjà la même somme en don (si j’ai bien compris ce qu’il ma expliqué du droit Anglo-Saxon). Du coup, pour que Canonical puisse financer la Fondation Ubuntu, via ses activités commerciales, il faut que la Fondation recoivent des dons aussi par des particuliers.
Si quelqu’un en sait plus à ce sujet, ça serait bien de nous éclairer et ça aiderai à lever les quiprocos sur la direction que prend Ubuntu
@ Winael … partout dans les monde les lois régissant les relations entre entreprises et fondations sont généralement les mêmes ou approchant.
En résumé :
1er Point le plus important.
Une entreprise ne peut avoir une fondation dite d’entreprise qui soit en relation avec les activités même de l’entreprise !
Dans le cas de Canonical nous avons donc une entreprise qui est en parfaite illégalité, car en plus les produits, même si pas vendu sont les mêmes que ceux de l’entreprise.
Même Bill Gates n’a pas été aussi loin avec sa fondation US. Une fondation qui ne fait rien en relations avec l’informatique.
2ème Point
La réponse de dev de moz
Tout dépend de la classification de la fondation américaine. Il y a plusieurs régimes, et fiscalités en fonction du choix d’action / fonctionnement des fondation aux US.
Mais en France rien n’empêche une entreprise de financer entièrement une fondation. C’est dans ce cas une Fondation d’Entreprise.
Mais la encore que ce soit aux US ou en France, la fondation ne doit pas avoir d’activité en relation direct avec celle de l’entreprise.
Conclusion rapide
Canonical tire son épingle du jeu d’une soit disant astuce lié au fait que l’entreprise est immatriculé à l’ile de Man, et qu’il faudrait porter plainte a Man contre Canonical !
En réalité, et par exemple en France, si d’aventure une personne portait plainte contres les représentants de Ubuntu France, voir même si simplement les impôts y mettaient leur grain de sel, il y a fort a parier que les responsables pourraient voir l’association et/ou activités des « personnes physiques » requalifiées en activités d’entreprise et donc être amenés a payer très cher ! Tant sous forme d’amendes, que de cotisations ursaaf, que autres rétorsions en requalifiant le bénévolat en travail dissimulé.
Bien sur Canonical ne serait pas condamnée, hormis des représentants qui passant sur le territoire, pourraient passer directement par la cas prison du fait que le travail dissimulé, est pénal !
Soit dit en passant c’est en grande partie la même chose que risquent nombre d’entreprise du libre / opensource, et ce malgré le fait que « le logiciel n’est pas vendu mais les services »
@Wibnael : je vais parler du cas Mozilla que je connais bien pour l’avoir étudié. Il y a la fondation et la Mozilla corporation qui est une société et qui a notamment passé le contrat avec Google. Cette société appartient à 100% à la fondation Mozilla. Résultat : tous les bénéfices de la société Mozilla vont à la fondation Mozilla.
On oublie souvent que même une association peut créer une société qu’elle contrôlera à 100%. C’est valabe en France aussi.
Dans le cas de Canonical, c’est différend. La fondation ne posséde aucune part de Canonical. La fondation a été crée par Mark Shutlleworth lui-même. Canonical est une entité totalement indépendante de la fondation. Donc Canonical n’a AUCUNE obligation de reverser quoi que ce soit à la fondation Ubuntu.
Dans le système de dons mis en place c’est Canonical qui collecte les fonds et les reverse (ou pas) à la fondation. Bref c’est obscure… J’aurais trouvé plus clair de collecter les fond par la fondation Ubuntu qui éventuellement achéte des prestations à Canonical pour développer des fonctionnalites. Mais ce n’est pas le modèle qui a été choisi, pourquoi ?
@ Philippe La fondation comme l’entreprise qui ont les mêmes activités ou approchant, sont le fait de la même personne !
La collecte de don est normalement interdite pour une entreprise ! Cela pourrait s’apparenter en plus à un appel public à fonds. Dans ce cas la on tombe sur les réglementations liées aux appels de fonds qui sont très réglementés sur toute la planète.
Dans la collecte de fond par l’association pour financer l’entreprise par le biais de prestations la tu retombe dans le fait que l’entreprise vie aux dépends de l’association, puisque grâce au dons de l’association et liées a une même activité, l’entreprise gagne de l’argent au profit de ses dirigeants et actionnaires. On retombe dans ce cas sur la requalification de la fondation en entreprise …