Le logiciel propriétaire est-il soluble dans l’open source ?

Je ne suis venu au libre que depuis peu (un peu plus de 4 ans). J’ai passé plus de 11 années à ne travailler que sur des solutions propriétaires. Aujourd’hui je bascule en permanence d’un monde à l’autre en cherchant des solutions pour faire cohabiter les deux.
Je distinguerais deux choses :
1/- les logiciels
2/- les formats et protocoles
Avec 2/, il est possible de verrouiller 1/. Microsoft et d’autres l’ont clairement démontrés depuis des années. Le logiciel libre est né en partie en réaction à ce constat. Le choix pour contrer cet état de fait a été de faire des logiciels ouverts. La communauté open source a définis en toute logique des formats et des protocoles ouverts pour ces logiciels.
Pendant des années, les logiciels libres ont butés sur cette incompatibilité. Incompatibilité avec les systèmes d’exploitation (peu de logiciels libre sur Windows), incompatibilité avec les protocoles (en entreprise notamment) et pour finir incompatibilité avec les formats de document échangés (bureautique en particulier).
Le logiciel libre s’est imposé dans les domaines où des formats et des protocoles ouverts se sont imposés. C’est le cas du Web avec le protocole http et le format html tout deux ouverts. On a assisté à la tentative de verrouillage du format par Microsoft avec Internet explorer. Firefox est alors arrivé; compatible avec le protocole, le format ET le système d’exploitation (Windows). Ce n’est pas la seule raison de son succès, mais sans cela il aurait échoué.
Hélas les format/protocoles ouverts sont peu répandus, les logiciels libres peinent donc à s’imposer. Sont alors apparus les logiciels libres supportant les protocoles ou format propriétaires. Grâce à un laborieux et héroïque travail de retro-documentation, ils sont parvenus à utiliser ces derniers. C’est le cas d’OpenOffice, s’il n’avait pas su lire (à peu près) le format de Word aurait-il connu son succès ? Mais OpenOffice permet aussi d’utiliser un format ouvert. La transition devient alors possible pour autant que l’on éduque et que l’on forme l’utilisateur. Même stratégie dans le domaine des messageries instantanées dominées par les protocoles propriétaires. Le logiciel Pidgin par exemple supporte à la fois les protocoles fermés (celui de MSN par exemple) et les protocoles ouverts comme XMPP/Jabber.
A partir de là : le logiciel libre ne doit-il dans un premier temps embrasser son ennemi pour mieux le combattre ? Ne faut-il pas faire preuve de pragmatisme et laisser l’idéologie au placard ?
L’adoption du Libre passe par la définition d’une stratégie ou plutôt de stratégies car elles seront multiples selon à qui elle s’adressera (entreprise/grand public/institutions, etc…) et les outils qu’elle visera. La communauté du logiciel libre doit alors assumer le grand écart qu’il faut parfois faire pour forcer l’adoption; et le faire en toute connaissance de cause avec un but précis, connu de tous et sans faux-semblant. Sinon c’est prendre le risque de se décrédibiliser.


Merci pour cette analyse plus que pertinente.
Avant de parler de stratégie, peut-être faut-il parler d’objectif, non? Le choix est simple veut-on être des puristes du libre ou avoir la plus grande part de marché, et les deux sont-il incompatibles? XMPP s’impose doucement à posteriori des solutions propriétaires, Debian, très libre, marche très bien en entreprise. Donc être un puriste du libre n’empêche pas la réussite commerciale. Pour revenir sur Firefox, si HTTP et HTML permettent de partir à égalité avec les logiciels proprio, c’est la qualité du logiciel qui l’emporte devant un IE 6 sans onglet et avec de faible performance.
Je crois que paradoxalement pour valoriser les 4 libertés des FOSS, il faut vanter les qualités techniques du produit qui sont presque indépendante de celles-ci. Pour être clair, il ne faut pas dire « Putain mec, tu peux voir les sources de Debian! », mais « Linux est un noyau monolithique, donc quand un truc crash, tu redémarre ce truc pas ton ordinateur! »
Jouer sur l’utilitarisme de l’utilisateur peut être une bonne méthode d’accroche. Par la suite, il me semble indispensable un travail idéologique. Sans idéologie, le logiciel libre n’existerait pas et ces utilisateurs ne le défendraient pas avec autant de ferveur.
@tous : merci pour vos commentaires.
@Guyome : C’est l’éternel débat des puristes et des réalistes qui s’opposent sans cesse. Le réaliste « pervertissant » l’idéal du puriste au nom de l’efficacité.
On apprend pas grand chose dans ce billet, le logiciel libre est souvent « suiveur » donc il s’adapte à l’existant.
Rien de très sorcier la dessous :q
Bonjour,
La question ne serait-elle pas inversée: Les logiciels libres sont-ils solubles dans le propriétaire ?
Tout simplement car actuellement c’est le propriétaire qui domine nettement ce que certains appelleront le marché et d’autres l’informatique.
Je pense que l’open source n’a pas de stratégie en tant que telle, ce n’est pas une entité déterminée mais de multiples acteurs, alors même qu’en face il y a des entreprises qui développe des stratégies claires et hégémoniques. Par contre à l’inverse le côté libre favorise le déploiement, le développement et face à l’adversité que représenté le propriétaire le libre s’est adapté sur un nouveau terrain.
Cette capacité d’adaptation est une véritable force que peu d’entreprises ont car elles sont soumises au lois du marché alors même que l’open source non (même s’il le devient petit à petit dans certains domaines plus orientés pro).
A bientôt,
Jonathan
@tenshu : un article n’est pas forcément fait pour apprendre des choses mais aussi pour servir de base de discussion. Votre affirmation « le logiciel libre est souvent “suiveur” donc il s’adapte à l’existant » n’est pas argumentée. Pourquoi l’open source devrait-il accepter le propriétaire, est-ce une fatalité ou juste une transition, une façon d’amener le grand public a connaître et apprécier les logiciels libres et les avantages de leurs formats ouvert ?
Tout le monde est loin d’être d’accord avec cette approche dans la communauté open source. J’ai eu un échange très intéressant avec Christophe sur son article « Dell, Unbuntu, Debain et les autres » ici http://www.road2mayotte.org/blog/?p=1093. Selon lui l’open source ne doit pas céder à cette facilité que j’énonce dans mon article et doit refuser les compromis.
@Jonathan : je me suis posé la question aussi. En fait mon questionnement est : Faut-il accepter d’inclure du propriétaire dans le logiciel libre pour faciliter la transition vers les logiciels libres et les formats ouverts. Ceci pouvant ainsi conduire à dissoudre le propriétaire. C’est tiré par les cheveux je le reconnais. Ensuite l’absence de stratégie commune et le fait d’avance en ordre dispersé pourrait jouer des tours au logiciel libre. Pour finir, il ne fait pas oublier la capacité d’innover, s’adapter , suivre ne conduit pas forcément à l’excellence.
Bonjour.
A mon humble avis, les « puristes » du « entièrement libre » ont raison, mais également ceux qui considèrent qu’il faut aussi utiliser du propriétaire avec le libre. Les deux sont en fait complémentaires, à condition bien sûr qu’un système propriétaire suive les standards du libre. Pour étayer mon affirmation, je vais m’appuyer sur mon expérience personnelle, et lors d’utilisations hors cadre professionnel, car n’étant pas moi-même informaticien, mais simple utilisateur lambda.
Tout d’abord, le débat est en grande partie faussé car aujourd’hui, les plus sensibles au monde du libre sont avant tout des professionnels… et résonnent à leur échelle. Le système libre ne pourra jamais supplanter ou du moins concurrencer sérieusement un modèle propriétaire comme windows par exemple, en ignorant constamment les besoins, et surtout les capacités d’un utilisateur de système informatique. Tout le monde n’est pas ingénieur…
C’est pour ça d’ailleurs que d’autres distributions ont vu le jour, et qui permettent un certain compromis. Et je pense sérieusement que l’avenir réside dans ce système de cohabitation raisonnée.
Donc, pour un utilisateur lambda, le premier écueil est la compatibilité matérielle. Si l’installation d’un système doit devenir un véritable parcours du combattant, car il faut déjà trouver, installer, compilateur, headers, kernel, pilotes et j’en passe pour avoir un système entièrement fonctionnel, (accélération 3D par exemple), 90% des utilisateurs potentiels abandonneront, trouvant toutes ces manipulations fastidieuses et compliquées…
Ensuite, l’utilisateur moyen voudra migrer ses applications, et réutiliser ses données. Des programmes comme open office n’ont pas hésité à utiliser du format propriétaire. Du coup, dans mon exemple, je peux lire d’anciens documents, et les nouveaux, je les enregistre au format libre, sans avoir peur de ne plus pouvoir communiquer avec des personnes qui ne veulent pas franchir le pas.
La décision de basculer d’un système vers un autre est très délicat, et il en faut peu pour faire échouer une tentative qui ne se renouvellera plus. Et tout repose finalement sur deux critères : la compatibilité matérielle et logicielle.
Or ubuntu (souvent décrié par les puristes) offre la possibilité d’installer des pilotes et codecs propriétaires, sans avoir besoin de passer des heures et des heures voire des jours à effectuer d’innombrables recherches sur internet. On a le choix de pouvoir installer ou pas un programme propriétaire.
Je sais, ce n’est pas la panacée, mais grâce à cela, j’ai pu faire connaître le monde du libre à des personnes qui n’imaginaient même pas qu’il puisse exister un autre système d’exploitation à part windows… et certains d’entre-eux, séduits, ont pu basculer vers le monde du libre beaucoup plus sereinement.
Cela n’aurait jamais été possible sans la possibilité qui est offerte d’installer du propriétaire grâce à une interface simplifiée.
Je suis tout à fait d’accord pour que les fabricants libèrent les spécifications de leurs produits, mais il ne faut pas se leurrer, si certains jouent le jeu, beaucoup ne le font pas, à cause justement de la peur de la concurrence qui est particulièrement féroce dans le monde informatique.
Après, pour tout ce qui touche des standards, comme par exemple les protocoles, formats de documents etc etc je pense qu’à ce niveau tout doit être à 100 % libre, afin de ne pas cloisonner les différents systèmes, qui, je le rappelle, devraient tous respecter l’inter opérabilité.
Mais quelque part, le monde du libre n’utilise-t-il pas déjà d’une certaine manière un certain cloisonnement ? Car il me semble que la gestion des paquetages, par exemple, n’est pas au même format d’une distribution à l’autre. Quid de l’inter opérabilité entre systèmes libres ?
En ce qui concerne le logiciel pur, en effet, il faut que ce soit du libre, et toujours afin d’éviter que des standards parfois pas très judicieux soient imposés de force, mais aussi, d’assurer la compatibilité entre divers programmes. Et pour ma part je n’utilise que des logiciels libres, mis à part une encyclopédie qui tourne sous wine… rien d’autre.
Pour finir (désolé pour ce long discours), si je n’avais pas pu utiliser facilement du propriétaire sur mon ordinateur, je ne serai jamais passé au libre pour cause de prise en charge partielle de mon matériel, et je suis loin d’être le seul dans ce cas.
Nous voyons donc qu’une petite dose de compromis peut faire accéder plus facilement et en plus grand nombre des personnes au monde du libre.
Si dans l’avenir tel ne pourrait plus être le cas, l’open source resterait alors cloisonné et vivoterait dans l’ombre des systèmes propriétaires qui continueraient alors à imposer de nouveaux standards, ce que personne, au fond, ne veut vraiment….
@Charrety : Merci pour ce long retour d’expérience.
Pour répondre à une de tes questions, effectivement il y a plusieurs système de gestion de paquets qui sont dépendant des distributions. Cependant c’est la façon dont les binaires (sources compilés) sont « empaqueté » qui change. Il existe ainsi par exemple un outil : alien qui permet par exemple de convertir un .rpm (Ferdoa) en .deb (debian) et vis-versa. Voir ici : http://doc.ubuntu-fr.org/alien ou là : http://wiki.mandriva.com/fr/Alien_:_Convertir_des_paquets_.RPM_et_.DEB_%C3%A0_la_vol%C3%A9e
Ce n’est pas fiable à 100%, mais bon c’est parfois mieux que rien.
Après open source ne veut pas dire forcément unicité des formats pour les mêmes usages. Il est parfois nécessaire de repartir de zéro pour améliorer une solution. mais l’ouverture des formats permet alors un passage facile de l’un à l’autre.