Comment fixez-vous le prix de vos prestations informatiques ?

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prixIl m’arrive souvent de répondre à des questions qui pour les férus et professionnels du logiciel libre et de l’open source peuvent sembler évidentes. Pourtant, il n’en est rien pour encore énormément de personnes que ce soit dans le grand public ou dans le monde des professionnels.

Au premier abord, j’ai bien entendu le cri du cœur et la boutade qui me monte aux lèvres. Comment je fais ? Mais comme tout le monde, à la tête du client 😀 ! OK, voilà une réponse qui manque pour le moins de professionnalisme. Alors, reprenons notre sérieux et décortiquons cela.

Je suis un prestataire spécialisé dans la mise en place de logiciels libres et open source. Qu’est-ce qui me différencie d’un prestataire informatique proposant des logiciels propriétaires (ou privateurs) ? La réponse est simple, je ne vends ou ne revends pas de droit d’usage. Autrement dit, pour avoir le droit d’utiliser les logiciels que je mets à disposition de mes clients, il n’y a pas de paiement à effectuer à qui que ce soit.

Les contributions

Est-ce toujours vrai ? Pas tout à fait. Il m’arrive de faire payer à mes clients des contributions ? Une contribution est un montant que je facture et que je reverse de l’autre côté à un développeur ou à une société. C’est typiquement le cas des modules disponibles sur le Dolistore de Dolibarr ou d’extensions « premium » de WordPress. À ces contributions sont parfois attachés des services comme un support en cas de dysfonctionnement du module. Mais soyons clairs, il ne s’agit pas d’un droit d’usage. J’élimine ceux qui rentrent dans cette catégorie.

Les modules ou extensions sont placés sous des licences de logiciel libre. Rien ne m’empêche de les modifier ou de les distribuer gratuitement à qui bon me semble sans avoir à en référer au développeur. Je ne le fais pas en général par simple respect du travail de ce dernier. J’ai fait des exceptions cependant, dans des cas bien précis, comme celui d’association d’intérêt général sans le sou.

L’ambiguïté et l’incompréhension naissent souvent du mélange entre ce que l’on paie pour pouvoir télécharger la dernière version du module et le support qui y est éventuellement attaché. Le support s’arrête souvent au bout d’un an. Mais le module ne cesse pas de fonctionner pour autant. Si vous ne renouvelez pas votre contribution l’année suivante, vous n’aurez donc plus accès au support du développeur en cas de problème ou alors de façon payante et le développeur ne vous mettra plus à disposition les nouvelles versions de son module. Il vous faudra alors vous acquitter à nouveau d’une contribution pour l’obtenir.

D’une certaine manière, ce modèle ressemble au modèle du logiciel propriétaire avec une licence perpétuelle d’utilisation et une prestation de mise à jour et de support que je paie tous les ans. La grosse différence réside dans l’ouverture du code. Mais c’est une nuance qu’il n’est pas évident à saisir et qui pourtant change tout.

Pour cette raison, j’ai tendance à préférer un modèle de développement de logiciel libre basé sur le cofinancement, et dont le résultat est mis à disposition de tous. Ensuite, à la charge de chacun, de savoir s’il souhaite ou pas s’attacher le service d’un professionnel pour le dépanner en cas de problème.

La troisième voix, mais elle reste à mettre en place, est le prix équitable. La mise à disposition est faite selon un coût qui va de cher à gratuit selon qui l’on est.

En ce qui me concerne, je ne fixe pas le prix des contributions ni ne prends de marge. Ce n’est donc pas comme cela que je gagne ma vie.

Le support

Il s’agit d’une prestation, autrement dit, du temps de cerveau. C’est une de mes sources de revenus. Cette prestation consiste à répondre aux demandes de mes clients par rapport à un périmètre défini. Par exemple, son logiciel de gestion d’entreprise Dolibarr ou un serveur de fichiers ou encore un serveur Owncloud. Le support est matérialisé par une demande qui peut être de différentes natures :

  • Fonctionnelle : « Comment je fais pour réaliser telle opération ? » ;
  • Évolutive : « Pouvez-vous me développer telle ou telle fonctionnalité »
  • Corrective : « D’habitude quand je fais ceci, cela marche, depuis hier cela ne fonctionne plus » ;

Le prix est fixé de façon très simple selon deux formules :

  • Un tarif horaire et le temps passé pour les trois types de demandes ;
  • Un forfait à l’année pour les demandes de type correctives ;

Je ne fais pas de forfait pour les demandes fonctionnelles et évolutives. C’est un choix personnel. Certains le font et arrivent à s’y retrouver sur la masse. Les clients qui sollicitent beaucoup le support sont en général compensés par ceux qui sont bien moins demandeurs… En gros les petits consommateurs paient pour les gros. Je n’aime pas cette approche même si elle est plus facile à gérer.

Le choix entre le forfait et le temps passé est un arbitrage que je laisse à la charge du client. Si il a de la chance, le temps passé peut être une bonne solution d’un point de vue économique. Le forfait est sans surprise, mais peut sembler coûteux en fin d’année si là aussi tout s’est bien passé…

Pour le support au temps passé, je vends des packs d’heures prépayés comme ceux-là par exemple. Pour les forfaits, c’est un peu plus compliqué et je chiffre cela au cas par cas. Selon par exemple le nombre de modules activés dans Dolibarr, la quantité de code spécifique, etc. Bref pas de règle.

Les prestations

Que ce soit lors de la mise en place ou dans le cadre de demande d’évolution, je travaille comme n’importe quelle prestataire informatique. En fonction du cahier des charges, j’évalue la charge de travail en heures ou en jours et je multiplie par le prix qui va bien. Évidemment, le prix qui va bien peut varier selon la nature de la prestation.

Du développement sera facturé moins cher qu’une prestation de conseil par exemple. En ce qui me concerne, mes prix oscillent entre 600 € HT et 850 € HT la journée. Ce n’est pas donné, mais n’oubliez pas que la moitié disparaît en charge et que je ne facture pas 20 jours par mois, car pour pouvoir produire, il me faut aussi vendre et gérer, deux activités pour lesquels je ne peux pas me faire payer 🙂 .

Reste les prestations d’hébergement, qui sont constituées par la mise à disposition de ressources machines et de bande passante que j’achète et revend et de prestations pour assurer le bon fonctionnement des applications web que j’héberge. Mes prix sont donc fixés en partie par le coût des ressources que j’achète et par le temps de cerveau que j’y adjoins et qui représente ma « plus-value » dans ce type de prestations. Là encore, je ne fais que du support correctif ou plus pompeusement du maintien en conditions opérationnelles.

J’espère que ces quelques explications auront répondu à la question de celui qui l’a posé et auront apporté à d’autres un éclaircissement sur le métier de prestataires informatique dans le monde du logiciel libre. Il existe d’autres modèles, ce que je viens aujourd’hui d’exposer, constitue la base de mes revenus.

Au final, mis à part quelques spécificités, rien de bien différent des prestataires informatiques du monde du logiciel propriétaire. Si ce n’est que ces derniers perçoivent sous forme de commission une part de la rente constituée par les droits d’usages versés par les utilisateurs.

Philippe Scoffoni

Je barbote dans la mare informatique depuis 30 ans (premier ordinateur à 16 ans, un ORIC ATMOS) et je travaille à mon compte au travers de ma société Open-DSI. J'accompagne les associations, TPE et PME dans leurs choix et dans la mise en oeuvre se solutions informatiques libres.

6 réponses

  1. Stephen dit :

    Merci pour ton article Phillipe. T’as répondu a beaucoup d’interoggations que j’avais sur le modèle économique d’une SS2L.

  2. De rien Stephen. En encore une fois il n’y a pas un modèle, mais des modèles. Je me suis limité à présenter le mien mais qui est je pense celui de pas mal de mes confrères…

  3. Bonob0h dit :

    Bizarrement dans le domaine du Luxe souvent ceux qui ont le plus de moyens payent le plus cher !
    Or c’est l’inverse en général ! Plus tu es gros moins tu paye cher ce qui enrichis encore plus « les gros » au détriment des petits et fausse la concurrence !

    Bizarrement, et hormis les licences qui reviennent au même que certains logiciels privatifs, gratuits par exemple pour un usages perso, le Libre / Opensource fonctionne de la même manière que le privatif pour les presta ! Plus t’es gros moins du paye cher par personne !

    Si on peut comprendre le privatif qui agit a visage découvert … le Libre/Opensource qui revient aux mêmes pratiques que le privatif n’est il pas une arnaque ?

    Dur dur d’avoir une éthique et de tenter de faire se développer d’autres formes équitables de tarifs …

  4. Justement les presta ne sont pas des logiciels libres… Ce sont deux choses différentes. Ce qui explique que l’on trouve autant de modèles économique autour de ces derniers.

    La notion de tarifs/prix équitable est pour moi totalement décorélé de l’usage des logiciels libres. Cela peut s’appliquer aussi au propriétaire. Cette notion relève plus d’un modèle de société que d’une licence.. Microsoft pourraitFait faire des prix équitables 🙂 D’ailleurs ils le font en offrant l’accès à Office365 aux enseignants français ou encore en permettant à des associations d’avoir accès à leurs logiciels quasi-gratuitement. Bon ok, ils se refont par derrière :-p

  5. Bonob0h dit :

    @philippe … il va de soit que la notion de tarif équitables doit s’appliquer partout ou c’est possible 😉

    Quand a microsoft et autres qui font du « gratuit » d’un coté … pour mieux refaire par derrière … est le problème qu’on trouve qq part trop souvent dans les presta Opensource ce qui est encore plus gênant quand par ailleurs on dénonce en chevalier blanc la privatisation du logiciel etc mais quand dans les pratiques on s’arrange pour refaire par derrière … comme un chevalier boueux 😉

    Bref en tout cas bien vu pour ton article qui mets un peux les pendules a l’heure … et essaye de titiller à d’autres solutions comme les tarifs équitables …

  1. 28 mai 2016

    […] Comment est-ce que je fixe le prix des prestations que je vends ? Comment peut-on gagner de l'argent en vendant des prestations autour des logiciels libres ?  […]