Gratuité, plaie du web ?

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Y aurait-il une prise de conscience en cette rentrée sur la nocivité potentielle de la gratuité des sites web proposés au grand public? A moins que ce ne soit qu’un simple effet de mode ? Soyons positif et analysons cette prise de conscience tout en la confrontant à ce qu’implique la non-gratuité à la fois pour ceux qui usent du service, mais aussi ceux qui le mettent à disposition.

Gratuit, le maître du web

Les réflexions autour de l’apparente gratuité des services web tiennent-elles de la prise de conscience réelles ou obéissent-elles à effet de mode rédactionnel auquel je succombe alors également ? Le Framablog nous livre une traduction d’un article « Le toujours tout gratuit : quand les pubs Facebook nous dévoilent le triste état de l’Internet ». Dans cet article, l’auteur propose tout simplement que Facebook fasse payer ses utilisateurs, plutôt que de recourir à la publicité.

Comme le dit aKa dans son article : « Raisonnement logique mais complexe voire naïf car la gratuité est devenue plus qu’une (mauvaise) habitude, ce serait presque un dû ». Une affirmation avec laquelle je suis en accord. Mais je la lui renverrais aussi en le questionnant sur l’existence du Framapad et du Framadate ; deux services gratuits offerts par Framasoft.

N’est-ce pas donner de ce point de vue le mauvais exemple ? Plus encore quand on est amené à lancer un appel au secours afin de maintenir le service en état de fonctionnement, ce qui ne donne guère une image plus positive : c’est gratuit et ça marche mal. Mais peut-être le public concerné par ces services est-il à même de l’accepter ?

Pourtant, le principe des sites web payants existe. Certaines exceptions dans le domaine de la presse comme Mediapart ou encore Arrêt sur Images semblent démontrer qu’il est possible d’adopter ce modèle. Je passe sur les sites web qui mettent à disposition du contenu pour les plus de 18 ans et qui eux n’ont aucun problème à faire monnayer l’accès à leur contenu.

On trouve aussi des modèles intermédiaires comme « Freemium« , qui proposent de payer pour ne plus voir de publicités s’afficher, à l’instar de PC-Impact avec son offre Premium. Une façon de ménager la chèvre et le chou.

Le modèle payant existe donc et joue sur la valeur d’usage subjective ou effective du service auquel on veut essayer d’accéder.

Moins cherFaire payer, c’est s’engager

Donner une raison aux utilisateurs de payer en leur apportant un valeur ajoutée à laquelle ils puissent croire et adhérer, voilà la vraie gageure. Mais si je fais payer pour mon service, je dois m’engager à délivrer ce dernier de la façon la plus efficace et professionnelle qui soit.

La gratuité offre là un avantage non négligeable pour celui qui la propose, celui de ne pas avoir forcément à s’engager sur de quelconques résultats ou moyens et à s’exonérer de toute perte que pourrait subir l’utilisateur.

Ce qui nous amène à l’argument  facile souvent opposé au service payant qui veut que de toute façon le payant soit aussi mauvais que le gratuit. Une raison de plus pour ne pas payer. Il est vrai que certains services payants ont l’art de vous faire adopter le gratuit.

Il y a comme un cercle vicieux, la gratuité entrainant toujours plus de gratuité et fermant la porte aux petits qui voudraient concurrencer les gros. Un cercle qui n’est hélas pas  durable et dont le web finira par pâtir. Il serait temps de le rompre.

Dois-je donc rendre l’accès à mon site payant ? Je me suis posé la question par pure rhétorique, convaincu que la réponse serait négative, car à ce jour inadaptée à la tenue d’un site personnel que l’on ne peut transformer en boutique. Il est difficile de devenir riche avec son blog.

Et puis il faut que les biens numériques puissent aussi circuler librement (sans que cela entraîne un coût) tout comme il doit exister un système permettant d’aboutir à un EquiLibre entre les producteurs et les utilisateurs afin de procurer un juste revenu aux premiers.

D’autres modèles sont possibles, Wikipédia a bien réussi à collecter 20 millions de dollars en 50 jours. Comme quoi, les utilisateurs peuvent reconnaître la valeur de certains services.

La vie moins chère

N’oublions pas non plus un autre problème : la diminution de la capacité à payer.  Le Web s’inscrit dans ce  mouvement consumériste de « la vie moins chère » : le slogan officiel des Supermarchés. Une façon de vivre qui nous est imposée par le système économique actuel privatisant toujours plus la création monétaire au profit de quelques-uns. Pour les autres, il ne restera que le gratuit. Ils ne seront alors plus que des produits de consommation pour multinationales baignant dans une illusion de richesses virtuelles.

Là aussi d’autres modèles sont possibles comme le dividende universel accompagné d’un revenue de vie. Mais en attendant, il faut emprunter des chemins de traverse qui permettront d’envisager leur mise en place ou de s’en approcher davantage.

Crédit Photo Certains droits réservés par cdsessums

Philippe Scoffoni

Je barbote dans la mare informatique depuis 30 ans (premier ordinateur à 16 ans, un ORIC ATMOS) et je travaille à mon compte au travers de ma société Open-DSI. J'accompagne les associations, TPE et PME dans leurs choix et dans la mise en oeuvre se solutions informatiques libres.

12 réponses

  1. Galuel dit :

    Ah ! Excellent article ! Très bonne conclusion ! 😀

  2. vvillenave dit :

    Bonjour Philippe,
    encore une de ces questions que je trouve superflues, mal formulées et idéologiquement orientées… 🙂
    Comme j’avais essayé de l’exposer il y a quelque temps, ceux qui substantifient l’adjectif « gratuit » pour le brandir comme un repoussoir (le « tout-gratuit ») cachent en fait le plus souvent un discours idéologique, et non pragmatique : http://valentin.villenave.net/Mon-ami-le-tout-gratuit

  3. Sylvain dit :

    Dans le système actuel, il faut de l’argent pour vivre donc le tout gratuit n’est évidemment pas possible. Même les gens qui font du libre mangent (si, si).

    Le blog de Paul Jorion me semble utiliser un bon modèle. Le contenu est gratuit mais les lecteurs peuvent payer sous forme de dons, mêmes petits.

    L’économie de l’Internet et du Libre manque d’un système de micropaiement simple, rapide et pas cher (on oublie donc flattr). Plutôt de cliquer « j’aime » pour facebook, je clique sur « je soutiens » en donnant quelques centimes, quelques Euros suivant mon niveau de vie (quelques centimes dans certains pays, c’est déjà beaucoup). Les abonnements sont trop contraignants : je suis déjà abonné à machin, je ne vais pas payer pour lire une fois truc et du coup, je ne découvre peut-être pas un contenu intéressant.

    Le micropaiement à l’acte est une solution. Il reste juste à monter la structure ;-).

  4. Philippe dit :

    @Sylvain Il reste juste à monter la structure : ben alors pourquoi ça n’existe pas 🙂 ?

  5. Galuel dit :

    Vous feriez mieux de vous intéresser à OpenUDC !

  6. Philippe dit :

    En ce moment ce qui m’énerve le plus c’est MEEL avec son offre gratuite, mais seulement le première année. J’ai un prospect qui a signé chez eux parce que c’était gratuit, et qui n’avait pas vu l’*, argghhh

  7. Greg de H dit :

    Il y a Elveos qui s’est lancé il n’y a pas si longtemps … peut-être qu’il y a des solutions de ce coté là?
    http://blog.planet-libre.org/2011/10/24/interview-elveos-org/

  8. Philippe dit :

    @Greg : Non pour moi Elveos est bâti sur le même modèle qu’un Flattr. On reste dans du bien traditionnel avec un intermédiaire qui prend un % pour établir une mise en relation. Perso je suis adepte des circuits courts : producteur/consommateur avec éventuellement un intermédiaire mais qui doit être à but « non lucratif » et transparent à minima car il doit œuvrer dans l’intérêt général et limiter la ponction au strict minimum. Avec une entreprise se posera toujours à un moment la question de la performance économique même si les créateurs de celle-ci sont sincère et veulent aussi oeuvrer dans l’intérêt général. Mais un jour le capital peut changer de main et là…

  9. C’est exactement ce qui fait débat en ce moment entre mes collègues et moi en ce moment sur mon lieu de travail. Tu lis dans mes pensées et réflexions ? 😀

    Article que je vais m’empresser de leur recommander.

  10. Sylvain dit :

    @Philippe : ce n’est probablement pas simple à monter avec des frais vraiment faibles voire nuls. Il faudrait hacker le système (= comprendre comme il fonctionne et le faire fonctionner comme on veut).

    @Greg de H, l’article parle d’un prélèvement de 10% « (on prélève 10% sur les entrées d’argent) ». Ce n’est pas ma définition de service pas cher, c’est beaucoup plus que paypal par exemple. Si à chaque fois que je donne 10 à un projet l’intermédiaire touche 1, j’ai plus l’impression de financer l’intermédiaire que les projets (au bout de 10 dons, tu as plus donné à l’intermédaire).

  11. Bonob0h dit :

    @ Philippe … j’ai survolé car mes yeux ont du mal 😉

    … mais mais mais … il semble que tu a oublié de parler du « prix Equitable » dans l’EquiLibre et les chemins de traverses 😉

    Parceque les prix il faudrait que pour certains produits ils aient des tarifs en fonction des revenus 😉
    Ça complique un peux les choses(*) et puis il y aura des tricheurs 😉

    … mais mais mais …

    Il ne faut pas oublier que dans pas mal de cas les prix sont fixés pas seulement en fonction du prix de revient mais du prix acceptable par une certaine catégorie …

    Or on oublie que cette facilité de fixation des « prisunic » sur les produits et services n’est pas très équitable … et que si on veux faire « payer » autant le faire payer équitablement.

    Ceci est d’autant plus vrai pour certains services qui ne peuvent être rendus inéquitablement au plus riches alors que les fauchés eux n’en bénéficient pas … par exemple de services complémentaire à un service publique déficient 😉

    Dois je aussi parler d’outils qui sont vendu plus cher a des particuliers qui ne s’en servent pas pour produire alors que pour le même produit des entreprises qui les utilisent pour du profit ont des réduc jusqu’à plus de 80 % sur de l’immatériel !

    (*) mais il y a les outils pour faire fonctionner simplement 😉

    @ Sylvain … si les « frais de transactions » sont suffisant … et / ou si on s’y prend autrement … on peux couillonner le système d’autant plus en faisant comme lui et mieux … en étant vraiment un concurrent … mais ou les bénéfices ne vont pas dans les poches d’actionnaires … c’est encore mieux et plus marrant 😉 … et ça aussi fait partie des chemins de traverse :p

    _____
    Encore faudrait il que les piailleurs et autres prennent le temps de venir voir un peux plus les chemins de traverse 😉 … mais mais mais … la bizarrement y a plus personne … qui vient pointer son nez … vous avez dit bizarre …. comme c’est bizarre …

  12. Philippe dit :

    @Sylvain : le chemin de traverse est fait pour ça.

  1. 8 janvier 2012

    […] pour ceux qui usent du service, mais aussi ceux qui le mettent à disposition (…).» Source : philippe.scoffoni.net/gratuite-plaie-web/ Billets en relation : 07/04/2011. La mécanique de la gratuité sur le web [pdf] : […]