Economie de la rareté et logiciels libres – 2/3

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economie logiciel libreNous avons vu dans le premier épisode quels étaient les moyens légaux en notre possession pour créer de la rareté autour des logiciels. Allons un peu plus loin dans le fonctionnement de ce modèle et découvrons les licences de logiciel libre et la conséquence de leur spécificité sur les sources de revenus potentielles.

La licence de logiciel

Voilà un terme que nous employons régulièrement et depuis des années. Acheter un logiciel est devenu synonyme d’acheter une licence. Un modèle largement adopté par les éditeurs de logiciels dans les années 80. Mais qu’achète-t-on en fait ?

Une licence logicielle est un contrat de mise à disposition. En effet, vous n’achetez pas les droits patrimoniaux du logiciel et encore moins les droits d’auteurs associés. L’éditeur vous concède simplement le droit d’utiliser son logiciel. Le contrat précise les conditions d’utilisation qui vous sont concédées.

Limitation des contrats « propriétaires »

Les limitations habituelles sont les suivantes :

  • Interdiction de copier et de diffuser le logiciel (dans la limite du droit qui autorise une copie privée) ;
  • Interdiction de décompilation : opération qui consiste à partir du code exécutable d’un logiciel à générer le code source.

A cela s’ajoutent souvent des limitations d’usages comme :

  • l’utilisation ou le transfert du logiciel sur une autre machine que celle avec laquelle la licence a été achetée. Ce sont les fameuses licences OEM. La licence est attachée au matériel et ne peut être cédée à un tiers ;
  • des restrictions liées aux ressources matérielles de la machine sur laquelle s’exécute le logiciel. C’est le cas souvent des logiciels utilisés sur les serveurs d’entreprise. Plus le serveur dispose de processeurs, plus le prix de la licence est élevé. Sous-entendu plus il y a également d’utilisateurs potentiels du logiciel ;
  • un nombre maximum d’utilisateurs en simultané, encore une fois sur les logiciels serveur ;
  • etc.

Et les logiciels libres ?

Les licences de logiciel libre s’appuient également sur le droit d’auteur. Mais les conditions d’utilisation qu’elles procurent donnent accès aux quatre libertés telles que définies par la Free Software Foundation :

  • la liberté d’exécuter le programme, pour tous les usages ;
  • la liberté d’étudier le fonctionnement du programme et de l’adapter à ses besoins ;
  • la liberté de redistribuer des copies du programme (ce qui implique la possibilité aussi bien de donner que de vendre des copies) ;
  • la liberté d’améliorer le programme et de distribuer ces améliorations au public, pour en faire profiter toute la communauté.

Les conséquences de ces quatre libertés sont multiples. Arrêtons-nous sur celles qui ont un impact direct sur l’utilisateur final du logiciel. La licence lui octroie la possibilité d’utiliser et de diffuser autant de copies du programme qu’il le souhaite. Cela ne signifie pas qu’il ne lui sera pas réclamé le paiement d’une somme pour obtenir une copie du logiciel par l’auteur. Dans les faits cela est rare, car une fois la première copie obtenue, elle peut être librement diffusée.

Une des conséquences est également l’acceptation par l’utilisateur d’une utilisation à ses propres risques. Les articles 15 et 16 de la licence GPL par exemple précisent respectivement la déclaration d’absence de garantie et la limitation de responsabilité et protègent l’auteur ou celui qui a diffusé le logiciel de tout recours pour d’éventuels dommages causés.

Pour se protéger contre les éventuels dysfonctionnements d’un logiciel libre, l’utilisateur devra souscrire auprès d’un tiers, un contrat de support. C’est ce contrat qui définira les responsabilités et obligations du tiers pour assurer le bon fonctionnement du logiciel. Évidemment ce contrat aura un coût.

Logiciel libre, la valeur se déplace sur les services

Le logiciel libre introduit donc un autre modèle économique différent de celui du logiciel propriétaire. La source de revenus principale ne peut se faire que difficilement sur la cession du droit d’utilisation. Elle se fait sur les services qui seront commercialisés autour du logiciel.

Mais ce faisant, ils assèchent une source de revenus importante. Celle-ci est-elle compensée par d’autres ? Nous verrons qu’elles sont ces sources de revenus dans un prochain épisode.

La suite c’est par ici

Philippe Scoffoni

Je barbote dans la mare informatique depuis 30 ans (premier ordinateur à 16 ans, un ORIC ATMOS) et je travaille à mon compte au travers de ma société Open-DSI. J'accompagne les associations, TPE et PME dans leurs choix et dans la mise en oeuvre se solutions informatiques libres.

5 réponses

  1. Galuel dit :

    Excellent post !

    « décompilation : opération qui consiste à partir du code exécutable d’un logiciel à générer le code source » Plutôt « un » code source !

    Sur : « Mais ce faisant, ils assèchent une source de revenus importante ».

    Pourquoi « assèchent » ? Ce serait comme dire que l’invention de l’imprimerie a « asséché » la « source de revenu des copistes » ?

    Ca ne tient pas ! Une nouvelle activité économique a vu le jour : l’imprimerie, qui automatise la fonction de copie, et rend une ancienne activité économique, la copie manuelle, obsolète.

    Les imprimeurs ont temporairement fait fortune en prenant pour eux le marché de la copie, mais en étant globalement moins nombreux pour faire la même chose, et donc moins coûteux pour les autres que l’ensemble des copistes ne l’était.

    De la même façon, une nouvelle activité économique a vu le jour : la création de logiciels libres, qui rend une ancienne activité économique, la vente de licences non-libres, obsolète.

    La création de logiciels devient donc une activité économique à part entière, qui peut faire la fortune des meilleurs programmeurs, mais en étant globalement bien moins nombreux pour faire la même chose, et donc moins coûteux pour tout le reste de l’économie que l’ensemble des informaticiens non-libres ne l’était.

    Un phénomène qui démontre la convergence de la reconnaissance économique vers le seul créateur de toute valeur économique : l’homme lui-même.

    La notion même des relations patronsalarié, et banquesentreprises est fortement remise en question par cette convergence. Ce qui aboutit à la compréhension de la nécessité de l’établissement d’une monnaie libre.

  2. Joyce dit :

    > De la même façon, une nouvelle activité économique a vu le jour : la création de logiciels libres, qui rend une ancienne activité économique, la vente de licences non-libres, obsolète.

    Cependant les habitudes ont la peau dure. À moins que les logiciels libres (en particulier les outils dédiés aux entreprises) ne soient pas encore assez souples d’utilisation et suffisamment intuitifs ?

    @Monsieur Scoffoni: j’aperçois deux petites fautes, « qu’achéte-t-on » l’accent me semble être à l’envers, et « Une licence logiciel » au lieu de « Une licence logicielle ».

    Merci pour vos articles. 🙂

  3. alaingre dit :

    Bonsoir

    Il y a comme une légère faille dans l’analogie développée par Galuel : imprimerie / logiciel libre. « La création de logiciels devient donc une activité économique à part entière, qui peut faire la fortune des meilleurs programmeurs, mais en étant globalement bien moins nombreux pour faire la même chose … »

    Or c’est plutôt le contraire non ! L’ouverture des sources permet à plus de monde de développer à l’inverse d’un logiciel non libre et donc de rendre les développeur plus nombreux … non pas pour faire les « mêmes choses » mais pour faire plus de choses et (ou) les faire mieux.

  4. David Mentré dit :

    Ton analyse me semble un peu simplificatrice : ce n’est pas parce qu’un client achète un programme en GPL qu’il va le diffuser partout.

    Pour prendre un seul exemple, les outils d’AdaCore comme le compilateur Ada GNAT sont diffusés en GPL aux clients. Mais, à ma connaissance, les clients ne rediffusent pas pour autant le logiciel qu’ils ont acheté (très cher !). Parce que peut-être ils l’ont payé très cher et pour éviter des risques de responsabilité (même si, comme tu le dis, la GPL exonère de toute responsabilité). Les entreprises sont frileuses.

    Par ailleurs, une source d’argent ne vient pas forcément d’un contrat de support. Toujours pour AdaCore, ils vendent un package support + logiciel indissociables. Qui plus est, les versions « Pro » des outils GNAT ont une licence du runtime qui permet une utilisation avec du propriétaire, alors que la version « GPL » est entièrement en GPL, se qui interdit de faire du logiciel propriétaire avec car on ne peut pas linker le runtime GPL avec un code propriétaire (voir http://libre.adacore.com/comparisonchart/).

  5. Galuel dit :

    « Or c’est plutôt le contraire non ! L’ouverture des sources permet à plus de monde de développer à l’inverse d’un logiciel non libre et donc de rendre les développeur plus nombreux … non pas pour faire les “mêmes choses” mais pour faire plus de choses et (ou) les faire mieux. »

    C’est toujours le même problème de ne voir que le local (la dérivée locale du global) ou que le global (l’intégrale du local) quand on analyse un phénomène.

    Localement il faut plus de monde pour faire tourner une imprimerie, que de copistes pour faire 1 seul livre.

    Pour le logiciel c’est la même chose. Pour réaliser un logiciel libre il faut plus de monde. Mais il devient inutile de faire 400 programmes non-libres qui font la même chose.

    Les mêmes programmeurs peuvent ainsi réaliser ensemble 4 logiciels libres qui remplaceront 400 programmes non-libres avec in-fine moins d’hommes nécessaires pour le tout pour les mêmes fonctionnalités remplies dans l’économie toute entière.

    A propos de « Cependant les habitudes ont la peau dure ».

    Il serait faux de croire que l’imprimerie a balayé les copistes en 3 mois. Il y a eu aussi de très fortes résistances et Gutemberg lui-même a fait faillite.

    (Ceci dit la monnaie utilisée n’était pas plus libre à l’époque qu’aujourd’hui pour la plupart des individus qui ignorent la nature d’une monnaie libre)

    Ces phénomènes étant des processus, il est certain qu’il s’agit de tendances et pas de changements immédiats, qui plus est pas non-plus des changements qui ne demandent pas des efforts d’adaptation. Libre ne signifie pas plus « gratuit » que « sans effort »…