Communautés, Logiciels libres et « Time to Market »

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communauteOn reproche souvent au logiciel libre de n’être qu’un « suiveur ». Autrement dit de ne faire que copier et tenter de remplacer les logiciels propriétaires sans pour autant innover. Si le constat n’est pas totalement faux, on peut également s’interroger si le développement communautaire des bénévoles se prête bien aux impératifs du « Time to Market ». Quant aux communautés « professionnelles », leur finalité est-elle vraiment la liberté des utilisateurs ? Une troisième voie peut-elle exister ?

Time to Market ou être prêt au bon moment

Cette expression anglo-saxonne est utilisée pour exprimer le délai nécessaire pour le développement et la mise au point d’un projet ou d’un produit, avant qu’il puisse être lancé sur le marché. Cette durée dans le domaine des technologies de l’information est souvent décisive. C’est elle qui sépare les leaders de ceux qui ne seront que des suiveurs.

Rapportée au logiciel libre, et plus précisément à celui porté par les amateurs, bénévoles, geeks et autres bidouilleurs éclairés, cette notion a bien peu de sens. Dans un monde où les logiciels sortent « quand ils sont prêts » à l’image de la distribution communautaire Debian, les contraintes entrepreneuriales reçoivent peu d’échos.

Pourtant que l’on veuille gagner de l’argent ou faire d’un logiciel libre un leader dans son domaine se pose le problème de disposer du logiciel au bon moment. La réponse semble simple, payer des développeurs pour fiabiliser le développement des logiciels libres.

Communautés industrielles et logiciels libres

Les éditeurs de logiciels libres ont apporté une première réponse. Ils ont permis l’émergence d’un grand nombre de solutions répondant à des besoins non satisfaits par les logiciels libres existants. Sans eux, probablement que le logiciel libre n’aurait pas pu autant franchir les portes des entreprises et acquérir dans certains domaines la crédibilité qui est sienne aujourd’hui. Mais souvent ces éditeurs ont été amenés à forker, refaire des pans entiers de leur logiciel sans s’appuyer sur les éléments communautaires par essence « trop peu contrôlables ».

La contre-mesure pour les professionnels du logiciel libre fut alors de s’unir, de mutualiser leur Recherche et Développement . Ainsi naissent les communautés dites « industrielles » de logiciels libres ou devrais-je dire open source. Ce sont par exemple les Fondations Apache, Linux ou encore OpenStack. Mais souvent leurs travaux n’ont pas pour objectif de fournir un outil « utilisable » sans passer par eux. Ces entreprises veulent rester incontournables. Il s’agit juste de partager du code, pas de libérer l’utilisateur ou plus exactement, le client.

Un troisième modèle communautaire ?

Nous avons donc deux modèles qui l’un est incompatible avec les exigences du marché et l’autre qui ne vise qu’à mieux le contrôler, le maîtriser et à optimiser les marges financières.  Pourtant le modèle communautaire est le seul modèle apte à garantir une « vraie » liberté pour les utilisateurs, en garantissant que le logiciel n’appartiendra jamais à personne.

The Document Foundation porte la suite bureautique LibreOffice. Une fondation naît des turpitudes et aléas qui sont parfois (souvent ?) le lot des logiciels portés par une entreprise. Il n’y a pas de développeurs employés directement par la fondation. Ce qui la classe plutôt dans le domaine des communautés industrielles malgré la présence d’une communauté de bénévoles (en reste-t-il dans les développeurs ?). La principale différence avec les fondations précédentes réside dans le logiciel produit qui s’adresse à tous : entreprises, collectivités, associations, mais aussi grand public.

Il existe cependant un troisième modèle communautaire représenté par Mozilla. Il semble avoir réussi à créer les conditions d’un modèle communautaire non industriel, potentiellement efficace et capable de se positionner sur un secteur pour le conquérir. Mozilla n’est pas piloté par un groupement d’entreprises, c’est un organisme indépendant avec sa propre gouvernance et ses propres développeurs pour faire avancer ses produits selon une approche en phase avec les exigences du « marché ».

C’est ce type de modèle que j’aimerais voir se développer pour le logiciel libre. Un modèle qui laisse la place aux entreprises pour vendre leurs services et contribuer tout en permettant à des bénévoles de participer sans être exploités. Un modèle qui porte et favorise le développement de logiciels vraiment libres, innovants, prêts pour le marché et surtout dont le caractère d’intérêt général ne saurait être remis en cause.

C’est tout l’enjeu d’un projet comme Meza|Lab. Mais un enjeu qui reste mal compris et souvent mal accepté. Elle impose des ruptures dans les façons de faire des communautés de logiciel libre « traditionnelles » et « industrielles ». Si vous voulez comprendre et discuter de ces enjeux, la porte est toujours ouverte , il suffit de la pousser.

Philippe Scoffoni

Je barbote dans la mare informatique depuis 30 ans (premier ordinateur à 16 ans, un ORIC ATMOS) et je travaille à mon compte au travers de ma société Open-DSI. J'accompagne les associations, TPE et PME dans leurs choix et dans la mise en oeuvre se solutions informatiques libres.

5 réponses

  1. Quentin dit :

    N’oublions pas que Mozilla est en partie financée par Google, ce qui la rend dépendante de revenus venant d’autres entreprises du secteur.

    Et si Mozilla avec Firefox OS venait à dépasser Android en terme de parts de marché, est-ce que la fondation Mozilla aura toujours autant de fonds pour fonctionner ? Je n’en suis pas si sûr ! Malheureusement…

  2. Philippe dit :

    @Quentin, je n’oublie pas 🙂 . C’est bien la limte du modèle Mozilla. Une faille dont ils sont conscient. Maintenant même si FirefoxOS devait par hasard « tuer » Android, quelle importance pour Google ? Leur source de revenu c’est la pub et donc leurs services en ligne. Que l’on y accède par Firefox ou Firefox OS ne change pas grand chose à leur revenus…
    Maintenant, je serais Mozilla, je chercherais à diversifier les sources de revenus malgré tout si Google venait à connaître quelques ennuis de santé (oui on peut rêver 🙂 )
    En tout si Chez Meza|Lab la source initiale de revenu est le mécénat, il est aussi prévu de développer des activités destinées à générer des revenus récurrents.

  3. Bonob0h dit :

    Rooh Philippe ! Il faudrait penser a rappeler dès l’article (même si ça permet e faire troller 😉 ) que le modèle mozilla, n’est pas nouveau ni le seul. Des groupes comme Tata en inde ont une gouvernance similaire et ce depuis plus d’un siècle. Ce n’est du reste pas le seul groupe ainsi gouverné.

    Le « modèle » mozilla est effectivement plus parlant pour la gouvernance mais prête a caution sur le modèle économique hyper dépendant.

    Concernant Meza | lab les sources même de mécénats sont en elles même multiples car même celui des entreprises est déjà en deux parties dont une générale sans laquelle il n’est pas possible de mécénat d’action dans le ressort même du mécénat et non du sponsoring.
    Il est aussi découpé avec celui potentiel du mécénat des salariés.

    Par ailleurs il y a aussi la formation qui entre en compte de façon tout aussi importante.

    Autre sources les subventions puisque pour les collectivités et administrations c’est une autre possibilité de financement qui du reste doit être généralement complété d’autres sources. Et même pour ces structures d’intérêt général il y a aussi les formations qui elles aussi entrent en compte.

    N’oublions pas non plus les contrats de recherche …

    Bien sur pour les activités de prestations par exemple d’accompagnement à production, là, comme des Mozilla, Tata et d’autres, il faut une entreprise dont l’actionnariat et les bénéfices sont majoritairement au profit de la structure d’intérêt général.

    Bref, on constate donc que l’entrepreneuriat n’en déplaise à bon nombre n’est pas forcément à la base entreprise « commerciale » d’intérêt privé d’actionnaires. Il y a d’autres modèles et pas seulement les scoop et autre SCIC qui l’air de rien posent quand même un problème d’actionnariat, rémunérations aux bénéfices qui ne contribuent pas aux charges sur le travail. Qui donc détournent le système.

    Donc tant que le capital sera moins taxé que le travail … il y a d’autres voix pour être Équitables.

    Reste aussi a voir en dehors de ce modèle si aussi tout les Ministres/Ministères et quelques personnalités invités assisteront ou non à la conférence privée qui dans le cadre de « Comment redresser la France Avec et En ……… : 90 minutes pour le comprendre » intégrera aussi bien sur le Libre #Autrement et bien sur ce modèle d’entrepreneuriat Équitable 😉

    De quoi parle t il ?
    Simple il suffit de suivre le signe de piste qui se trouve dans le lien de mon nom de commentaire 😉
    Pour les aveugles : http://http://about.me/bonob0h
    Pour mieux comprendre les enjeux et champs des possibles, il y a aussi dedans :
    >>> Pics épiques et Web3D++ <<<<

    N'hésitez pas à cuicuiter 😉

    PS : il y a aussi des invitations possibles pour assister à la conférence voir même peut êtres possiblement d'y intervenir 😉 Si bien sur on a quelque chose a dire en relation avec le Web3D++ et le LIbre #Autrement 😉

  4. Bonob0h dit :

    PS : une invitation Présidentielle est aussi déjà partie par un des canaux possibles …
    Et comme le Web3D++ de Meza | Lab englobe et transverse tous les secteurs d’activités ce sont quasiment tous ses collaborateurs qui vont la recevoir !
    Même le protocole ou les Gardes républicains qui peuvent recycler une partie de leur temps mort pour agir pour le « Redressement Général » même si ce titre peut prêter à sourire 😉

  5. Philippe dit :

    >Il faudrait penser a rappeler dès l’article que le modèle mozilla, n’est pas nouveau ni le seul.
    Oui je sais, mais dans le logiciel libre, il n’y a qu’eux sur ce modèle. On peut d’ailleurs se poser la question du pourquoi… Là il peut aussi y avoir matière à troll 🙂