La gratuité est-elle un mauvais argument pour les logiciels libres et l’open source ?

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L’objet de cet article n’est pas de donner des leçons, mais de s’interroger sur la pratique qui consiste à mettre en avant l’argument de la gratuité pour des logiciels libres ou open source. Ce n’est pas en effet la première fois que je constate cette association. Je l’ai encore vu aujourd’hui sur le site d’un vrai éditeur de logiciel libre en première ligne des arguments commerciaux.

Mais nier cette gratuité ou plutôt cette absence de coût de licence semble dans les faits difficile. Rares sont aujourd’hui les éditeurs qui tentent de vendre des logiciels sous licence libre. Pourtant, c’est une pratique que rien n’interdit.

Finalement, on pourrait se dire que donner le logiciel et vendre du support ou vendre le logiciel support compris c’est la même chose. Mais peut-être pas ?

A trop vouloir mettre en avant cette gratuité, n’y-a-t-il pas un risque de se « tirer une balle dans le pied » à long terme ?

Les avantages des logiciels libres et de l’open source sont nombreux. On peut citer entres autres : le respect de standards ouverts, la capacité à l’interopérabilité ou encore la flexibilité. Les arguments spécifiques ne manquent certes pas. En négligeant de mettre suffisamment en avant ces avantages et en privilégiant la gratuité, on finit d’entériner dans l’esprit collectif cette association.

Que peut-il se passer alors ? Les éditeurs de logiciels propriétaires ont déjà bien saisi cet argument de la gratuité et propose de plus en plus des versions « gratuites » de leur logiciel. Parfois, ces derniers sont trop bridés pour être réellement utilisables, mais pas toujours.

Ainsi des hébergeurs peuvent faire le choix aujourd’hui d’utiliser des solutions de virtualisations gratuites et propriétaires comme Esxi de Vmware. Des équipes de développement peuvent choisir d’utiliser Starteam Express, une solution de gestion de versions gratuite (jusqu’à 10 utilisateurs) qui n’hésite pas à annoncer : « Micro Focus lance StarTeam Express, nouvelle alternative aux solutions open source de gestion de configuration logicielle ».

Si demain les logiciels propriétaires deviennent gratuits, quels avantages restera-t-il aux logiciels libres et à l’open source dans l »esprit des utilisateurs ? Peut-être aucun et peut-être sera-t-on revenu à la case zéro.

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Philippe Scoffoni

Je barbote dans la mare informatique depuis 30 ans (premier ordinateur à 16 ans, un ORIC ATMOS) et je travaille à mon compte au travers de ma société Open-DSI. J'accompagne les associations, TPE et PME dans leurs choix et dans la mise en oeuvre se solutions informatiques libres.

13 réponses

  1. makidoko dit :

    En effet cette mise en avant de la gratuité porte un lourd préjudice à la diffusion du libre, notamment vis à vis de l’argument que j’entends trop souvent : « Si c’est gratuit c’est bien parce que ça ne vaut rien. Un logiciel professionnel ça vaut cher. » (du même genre, « si les codes sources sont ouverts, les logiciels sont de vraies passoires »)

    Souvent donc certains préféreront pirater un logiciel commercial que d’utiliser un logiciel libre. La gratuité est tout de même recherchée, à partir du moment ou l’objet convoité à une valeur commerciale.

    La naissance de magasins d’applications ne peut qu’avoir des avantages en garantissant un minimum de rémunération des développeurs et leur permettre ainsi d’améliorer leurs projets voire en faire naître d’autres. Car il faut bien le reconnaître, nombre de projets avancent très lentement, et je pense, certainement en raison de problèmes de ressources.

  2. Alexis dit :

    Ce que tu dis est juste, cependant je pense que tu oublie un cas d’utilisation des logiciels libre : les administration. Ou au moins l’enseignement. Il me semble que dans ce domaine le prix, mais aussi l’absence de licences à gérer (renouveler, vérifier les compatibilités, etc) représentent des économies non négligeables, surtout en ce moment.

    Ne pourrions nous pas alors nous réjouir de voir les logiciels libres et les os libres investir nos écoles ? Cela présagerais de bonne chose pour l’avenir non ?

    Je ne suis pas un spécialiste (loin de la), je parle juste des universités françaises que je fréquente, mais peut-être sont-elles des cas isolé.

  3. grummfy dit :

    La gratuité est un faux argument mais elle attire aussi des gens apres le ligociel doit expliquer l’interet du libre, et c’est là qu’il peut y avoir une différence…. pour ma part c’est du gratuit que j’ai decouvert le libre …

  4. Kalki dit :

    Celui qui ne comprend pas l’open source et le libre, celui qui ne comprend pas l’interret de participer au lieu d’être spectateur : mourra face a l’hégémonie centralisée : bonne vie à vous

  5. Pol dit :

    Je partage l’avis et l’expérience de grummfy au sens où j’ai moi même découvert le libre justement parce qu’il était en grande partie gratuit. Pour un étudiant comme moi (à l’époque), c’était tout de même un argument de poids ! Je me suis ensuite intéressé, j’ai découvert R.M.S. et son combat puis je me suis orienté vers GNU/Linux, et des blogs comme celui-ci.

    A mon humble avis, l’argument du gratuit est au contraire un moyen d’attirer une partie de la population. Certes il y aura toujours des gens pour penser qu’un logiciel dont la licence coute un bras fait plus de choses qu’un logiciel libre. C’est parfois vrai, parfois pas. A mon sens le meilleur exemple est Firefox qui est aujourd’hui un des navigateurs les plus utilisés. OpenOffice.org fait son bonhomme de chemin, Filezilla est excellent, GIMP remplace avantageusement Photoshop. Les exemples sont bien sûr nombreux mais souvent ces logiciels sont connus du grand public justement parce qu’ils sont gratuits.

    Là où le bas blesse c’est que peu de gens savent ce qu’est le libre et se limitent justement au fait que ces logiciels sont gratuits. C’est là que la gratuité peut devenir un handicap, au sens où peu d’utilisateurs deviennent contributeurs et que les freeware sont perçus au même titre que les logiciels libres.

  6. Bonob0h dit :

    Libre / Opensource n’a jamais voulu dire Gratuit !
    Rien n’est gratuit … il suffit de demander une baguette gratuite à sa boulangère et vous verrez sa tête 😉
    Un des soucis est lié au licences qui ne prennent pas en compte l’argent
    Un autre est lié aux même licences et a l’ouverture du code qui permet a un pas mauvais de recompiler pour donner gratuitement !

    Mais surtout il faut aussi voir les tarifs et en pas pratiquer les mêmes Grilles de tarifs que les pratiques actuelles qui font qu’un particulier ou des associations qui ne tire pas d’argent d’un logiciel alors que les entreprises payent moins cher rien qu’avec la « balance de la TVA » qu’il se font « rembourser » et les achats en lots de licences qui font que c’est moins cher pour une entreprise qui va utiliser et gagner de l’argent avec l’outil !

    Si l’on veux arriver a qq chose la seule solution c’est de monter un leader/Poid Lourd genre un « Microsoft » associatif qui mettra en place de nouvelles pratiques ! Tant pour les tarifs que pour mettre en place un bon support ce qui est rarement le cas dans le logiciel libre !

    Ca fait 15 ans que j’en parle et que j’ai élaboré autant l’idée d’un « poid lourd » qu’une évolution pour simplification et adaptation aux aspects financiers avec une licence assez proche et/ou qui complèterai la Creative Commons !

    Maintenant … le soucis c’est encore une fois le Blabla … et personne pour se bouger !

    Ce qui est bizarre c’est que majoritairement les Madames et Monsieurs MICHU, comprennent et trouve la démarche adaptée, équitable, etc … mais ne se sente pas les compétences pour participer hormis utiliser leur réductions d’impots pour « investir dans la mise en place », et utiliser/acheter une fois en place !!

    A contrario les minorités du libre, développeurs, geeks, evangélisateurs, etc ne se bougent pas !!!

  7. TuxMips dit :

    Bonjour,

    Oui c’est une excellente question. D’ailleurs j’ai quelques collègues et amis qui veulent absolument payer leurs logiciels car installer un truc gratuit qui sort d’on ne sait où, ce ne peut être que (i) de très mauvaise qualité (ii) et sans aucune garantie de rien du tout (iii) voire même dangereux.

    Il est plus difficile de démolir un préjugé que de fissurer un atome (comme disait – à peu près – Einstein)

  8. LordPhoenix dit :

    Mauvais argument ou pas ça dépend de l’utilisateur auquel on s’adresse. Une entreprise n’hésitera pas à mettre le prix qu’elle estimera nécessaire dans le logiciel que lui semblera correspondre à ces besoins. Un étudiant désargenté hésitera beaucoup plus.

    Le tout est de revenir sur le principe de base: Le logiciel doit correspondre aux besoins si le faible coût est de ceux la alors oui faire mention de la gratuité est utile dans le cas contraire il y a bien d’autres arguments à faire valoir.

  9. PaulK dit :

    @Pol : Attirer les utilisateurs avec le non-coût du logiciel plutôt que directement pour les arguments éthiques revient à la discussion de l’OpenSource vs le Libre.

    Je pense que c’est une mauvaise chose d’attirer les utilisateurs d’abord par ce qui est « bling bling » (c’est gratuit, il y a pas de virus, ça va vite…). Tout d’abord, parce que c’est renier les origines de ces logiciels et donc prendre le « risque » que jamais l’utilisateur ne prenne conscience des enjeux du libre. Ensuite parce que l’utilisateur installera du proprio pour « combler les trous du libre » (pilotes graphiques, wifi, jeux…) et, si ça se généralise, que la demande d’intégration de ces composants devienne prioritaire par rapport au développement d’alternatives. Tout le monde est libre de choisir d’utiliser du proprio sur son GNU/Linux, mais devrait respecter le fait que ce n’est pas dans les objectifs du système et que ça ne devienne pas le « standard ».

    Après, c’est sûr, je généralise (et il y a que les cons qui généralisent), j’ai découvert le libre ainsi, parce que c’était « attrayant », mais je connais des gens qui ont adopté le système quasi-exclusivement pour des question éthiques.

    Présenter les arguments « annexes » par rapport à la liberté d’usage dans l’introduction à GNU/Linux est une bonne chose, mais je pense qu’elle doit rester « annexe » (parce que l’éthique est la première raison d’être du système).

    Je suis tout à fait d’accord avec les arguments présentés ici et je pense que l’on peut élargir la vision donnée : le jour où Microsoft fera une version gratuite, sans virus et robuste de Windows et bien on sera bien dans la m*rde avec notre sous produit même pas compatible avec le dernier format Word.

    Par contre, pour réagir au commentaire d’Alexis, c’est vrai, je sais qu’une certaine association caritative utilise un logiciel ultra-proprio dans leur gestion des fonds et que leur apporter une alternative gratuite serait non-négligeable (quand il s’agit de remplacer les coûts d’une licence en repas pour les plus démunis). Après, je pense qu’il ne s’agit même pas franchement de mettre en avant que le libre est globalement « gratuit », juste le fait qu’il ne vous arnaquera pas avec des licences restrictives.

  10. La gratuité va amener de plus en plus d’utilisateurs lambda qui se rendent compte qu’OpenOffice remplace allègrement la suite Office pour leur utilisation quotidienne, que The Gimp suffit amplement pour retoucher les yeux rouges (même si il y a d’autres logiciels pour cela).
    Ce petit pas vers les logiciels libres, va les amener vers les communautés lorsqu’ils vont rechercher de l’aide. Communautés qui, un jour où l’autre, vont leur expliquer ce que veux dire Libre. Après cela, une majorité va totalement passer à côté de ces explications, mais pour une minorité, le message sera passé.

    Ensuite, concernant la gratuité des logiciels propriétaires, dans un futur plus ou moins proches, cela va devenir la norme pour contrer l’avancée des logiciels libres. N’est-ce pas là une avancée pour le Libre ? N’est-ce pas l’économie du service (apportée par le Libre) qui va prendre le pas sur l’économie de la copie payante (licence) ?

    Par la suite, les professionnels vont encore se tourner vers des logiciels propriétaires gratuits, jusqu’à qu’ils se rendent compte que leurs données ne sont plus accessibles après 5 ans, et qu’il faut remettre la main au portefeuille pour les récupérer. Ils chercheront alors une solution pérenne pour leur données (et leur porte-monnaie) et se tourneront encore plus vers les logiciels libres.

    Pour terminer, il y aura toujours des réfractaires à utiliser des logiciels libres, mais c’est aussi la diversité qui nous fait découvrir de nouvelles choses (plus ou moins bonne). Les logiciels propriétaires ne disparaitront sûrement jamais totalement, mais petit à petit, le Libre va grignoter des parts de marché.

    Il faut savoir être patient. Il suffit de regarder quelques années en arrière pour découvrir le chemin parcouru.

  11. Philippe dit :

    @tous : merci pour vos commentaires qui contiennent pas mal de piste. J’avais écrit cet article en pensant plus spécifiquement aux entreprises. Comme le disent Bonob0h et LordPhoenix, le « prix » doit pouvoir évoluer en fonction de qui souhaite utiliser le logiciel, de très cher à zéro. Le contexte est important en effet
    @Bonob0h « “Microsoft” associatif ». Ce n’est pas tout à fait ce que j’avais à l’esprit. J’avais écrit (du blabla encore) dans une autre vie de blogger un article décrivant ce que pouvait être une AMAP du logiciel libre. Les AMAP (j’en préside une, tu vois je fais des choses aussi 😉 ) soutiennent les paysans. J’imaginais la même chose pour les logiciels. Les utilisateurs se regroupent pour payer (dons à l’association) les ou les développeurs de leur logiciel libre favori ou faire écrire des contributions en payant un développeurs pour cela… Je vais écrire un brouillon de blabla sur ce sujet je crois…
    @Quentin : Je ne suis pas sur que forcer les logiciels propriétaire à la gratuité soit une avancée pour le libre. Je préférerais que cela les force à utiliser des formats ouverts et standards et à ne plus enfermer leurs utilisateurs. Je fais toujours référence aux logiciels libérateurs qui ne sont pas pour autant libre mais qui contribue à leur façon à libérer l’utilisateur
    « N’est-ce pas l’économie du service (apportée par le Libre) qui va prendre le pas sur l’économie de la copie payante (licence) ? ». C’est tout à fait possible.
    Je partage ton optimisme. La machine est en route, il va en sortir quelque chose 🙂

  12. bonob0h dit :

    @PS
    La machine n’est pas plus en route qu’il y a 10 ans
    Un des soucis réside notamment sur le coté « underground » de ceux qui défendent le libre !
    Si l’on veux que les familles et entreprises Michu utilise il leur faut un modèle qu’ils connaissent !
    Les système AMAP ou autre sont sympa mais pas accessible à tous ! Mais dans un autre cadre que les Personnes Morales et Physiques financent oui c’est prévu d’autant plus que dans les dev il faut faire appel aux utilisateurs pour concevoir !
    Il ne faut sinon pas oublier que le logiciel ce n’est pas que des codeurs ou des Geeks !
    La participation des Familles et Entreprises Michus hors financent peut aussi se faire si on sait bien le faire … le faisant a petite echelle ça fonctionne !
    Avec le « Microsoft associatif » on peut utiliser les « ficelles » des Gros C.. de Proprio, sans tomber dans leur dérives d’autant plus que ces ficelles ne sont pas d’eux !
    De la même manière il faut tout prendre en compte … y compris l’aspect licence etc …
    Et pour convaincre Les familles et entreprises MICHU il faut du poids lours !
    Pour eux les clans gaulois qui se tappent dessus et avance en ordre bordélique … c’est pas leur tasse de thé …

    Actuellement y des bouts pas mal mais eparpillé avec des ego surdimensionné pas mieux que les « proprio » !

    Il y a donc même un coup de balais a mettre la dedans AUSSI !

    Autant tenter autre chose puisque de toute façon rien de si tangible n’a été fait avec les acteurs actuels ! La roue tourne … soit qu’ils participent, laissent faire … ou foutent la paix car dans le cas contraire du dernier cas … ils prouvent qu’ils ne sont pas mieux que ceux qu’ils veulent « combattre »

    Quand a forcer les Proprio, pas la peine 😉 Il y a d’autres besoins plus important … car quoi qu’on fasse il ne savent que rarement anticiper et préférent piller/détruire … pour tenter de se gaver a court terme

  13. Mandrake phoenix dit :

    Je vais caricaturer , pour moi le libre égal logiciel ou SE « vierge » .
    Linux est libre , je peux regarder à l’intérieur , le trifouiller , le redistribuer bien ,très bien
    mais ça c’est pour une minorité de gens qui aiment mettre les mains dans le cambouis .
    La majorité des gens ,dont je suis , veulent un SE COMPLET , noyau + interface graphique +logiciel , le tout déjà compilé ,paramétré , opérationnel et facile d’accès et ceci a un coût .

    Suffit de faire un tour sur la majorité des sites qui proposent de l’open source , il y a souvent un bouton « faire un don » c’est bien la preuve que ce n’est pas gratuit car tout ce qui va autour (serveur , machine puissante pour compiler ,etc ) a un coût assuré par des personnes ou institutions .

    Même pour ceux qui aiment mettre la main dans le cambouis et qui se contentent de faire les choses pour eux même ,ce n’est pas gratuit . Le temps passé à bidouiller , le temps passé à apprendre , etc , tout ça n’est pas gratuit .

    Donc oui La gratuité est un mauvais argument , très mauvais argument .