Crowfunding ou attrape-couillons ? Les deux mon général !

closeCet article a été publié il y a 9 ans 4 mois 26 jours, il est donc possible qu’il ne soit plus à jour. Les informations proposées sont donc peut-être expirées.

torJ’ai découvert récemment le projet Anonabox. Comme beaucoup j’ai trouvé à la lecture de la présentation du projet le concept intéressant. Un boîtier prêt à l’emploi sur lequel il suffit de brancher ses équipements informatiques pour voir le trafic emprunter le réseau Tor. Pour rappel ce dernier permet d’anonymiser vos communications sur internet.

Avec l’affaire Snowden, les fuites de photos de star et autre liste de numéros de cartes bancaires volées, le grand public commence à être bien chauffé sur les questions de confidentialité des échanges qu’il entretient sur internet. Ce qui cependant ne l’empêche pas de continuer à se servir massivement des services en ligne mangeurs de données. Comme souvent, il attend l’alternative qui lui donnera vraiment envie de changer. Il n’est pas à une contradiction près.

Or ce petit boîtier semble en tout cas susciter de l’intérêt vu l’engouement et le montant des promesses de dons faites sur la page de KickStarter. Ce n’est pas moins de 600 000 dollars qui sont collectés à l’heure où j’écris cet article. La page du projet met en avant les composants utilisés : des logiciels libres et indique en bas de page qu’il s’agira de matériel dont les spécifications seront ouvertes.

Évidemment devant un tel succès, on ne peut que se réjouir. Mais comme souvent la mariée était trop belle…

Une polémique partie de Redit que j’ai découverte par Genma semble mettre en doute l’existence d’un réel projet. Il s’agirait d’un produit déjà existant vendu environ 20 $ soit deux fois moins cher que le prix annoncé pour l’Anonabox… Bien évidement le créateur du projet nie les faits et maintient qu’il s’agira bien d’une solution totalement ouverte.

Nous voilà bien…

Cela pose évidemment la question de la confiance que l’on peut porter aux projets proposés sur les sites de crowfunding. L’avenir nous le dira pour le cas présent, mais il est difficile d’avoir la certitude de la sincérité et de l’existence réelle d’un projet. Donner de l’argent en échange de promesses, voilà bien les limites du crowfunding actuel. Dans quelle mesure un KickStarter ou d’autres plateformes vérifient-ils le sérieux des projets proposés ? À ne pas le faire, elles pourraient bien se tirer une balle dans le pied.

J’avoue que j’attends de voir ce que vont donner les mesures prévues en France pour encadrer le crowfunding et si elles permettront de donner à ce moyen de financement ses lettres de noblesse. Je passerai sur certaines considérations qui me laisseraient penser que le crowfundig n’est qu’un pis-aller face à un système économique ou les acteurs traditionnels du financement ne font plus leur travail. Mais cela fait peut-être partie des transformations de notre époque.

En attendant, il ne nous reste plus qu’à nous appuyer sur notre proximité avec les porteurs de projets qui nous sollicitent. Personnellement, je n’ai donné de l’argent à des projets que lorsque je connaissais plus ou moins directement le porteur. Seule cette proximité peut engendrer un niveau de confiance suffisant.

Autrement dit, je me demande si, à défaut d’un encadrement quasi contractuel qui me semblerait sain dans ce contexte précis (à ne pas mélanger avec les dons aux associations !), le crowfundig ne peut que finir un jour par péricliter. Quand quelques « arnaques » retentissantes auront été levées, la confiance sera cassée tout comme elle commence à se fissurer dans les grands services en ligne.

C’est d’ailleurs bien le seul enseignement que l’on peut tirer pour l’instant de la campagne de crowfundig de l’Anonabox et de l’engouement provoqué auprès des foules. Rêvons d’une Framabox open hardware remplis de logiciel libre assemblé dans un YunoHost avec une bonne campagne de communication et on pourrait presque y croire. Mais pour l’instant rien de la sorte dans le plan triennal du Framacloud…

En tout cas, si vous ne voulez pas attendre la fin de cette histoire et courir le risque de vous faire arnaquer, vous pouvez déjà au prix d’un peu d’huile de coude ou de celle d’un bon ami faire votre propre Anonabox avec un Raspberry Pi et Onion Pi. Bon bricolage…

Philippe Scoffoni

Je barbote dans la mare informatique depuis 30 ans (premier ordinateur à 16 ans, un ORIC ATMOS) et je travaille à mon compte au travers de ma société Open-DSI. J'accompagne les associations, TPE et PME dans leurs choix et dans la mise en oeuvre se solutions informatiques libres.

10 réponses

  1. Je ne donne jamais d’argent pour des projets d’ordre matériel en informatique. Uniquement pour des projets musicaux, et jamais plus de 25 €.

    Simple prudence, car un album, on finit toujours par l’avoir… De gré ou de force 🙂

  2. pyg dit :

    « Rêvons d’une Framabox open hardware remplis de logiciel libre assemblé dans un YunoHost avec une bonne campagne de communication et on pourrait presque y croire. Mais pour l’instant rien de la sorte dans le plan triennal du Framacloud… »

    Faux 😉
    Nous avons effectivement un projet de Framabox, plutôt conçu comme une bibliobox que comme une anonbox.
    Maintenant, le souci est plutôt humain : on manque de bénévoles pour concevoir et affiner le projet.
    Je rappelle que Framasoft n’est pas une armée 😉 C’est 2 permanents, une vingtaine de membres actifs, et une communauté derrière. Mais une « communauté », c’est une entité floue et pas simple à faire travailler dans la même direction.

    Donc, on a décidé de concentrer nos efforts sur le projet http://degooglisons-internet.org MAIS cela ne signifie pas que si des gens veulent faire une anonbox en utilisant Framasoft comme « incubateur », ils ne soient pas les bienvenus. Bien au contraire !

    Quand au crowdfunding, c’est effectivement un sujet complexe (pas trop le temps de m’étendre aujourd’hui). Mais comme avec Uber, AirBnb & co, on est dans un vrai changement de paradigme économique. Et il va y avoir des dérives, des ratés, etc.
    Même moi qui souhaite pourtant l’avènement d’une société de la contribution/collaboration/participation, je suis relativement critique par rapport à ces modèles au final très individualistes (quand bien même ils promeuvent des projets solidaires)
    Sans juger le cas Anonbox en particulier, je pense qu’on va forcément avoir des escrocs qui vont abuser du système. L’essentiel étant de réfléchir à comment limiter les inconvénients par rapport aux avantages.

  3. Genma dit :

    Voir que j’ai conduit via un simple Twitt à la rédaction d’un billet complet par Philippe, c’est le Cyrille qui va être jaloux. Sinon très bon billet. Merci.

  4. Changaco dit :

    Ce problème de promesses non tenues est spécifique au financement de projets à priori. Avec d’autres modèles de crowdfunding le problème ne se pose pas puisque soit les dons sont faits à posteriori (Bountysource, Patreon, Flattr, etc) soit les dons ne sont pas liés à une promesse (Gratipay).

  5. bonob0h dit :

    Dans de tels appels on ne donne pas … on pré achète généralement un produit.

    Dans l’idée émise du crowdfunding est la participation à quelques chose de nouveau qu’on aide !

    Dans l’absolut donc, ceux qui aident des projets d’entreprises seraient des investisseurs !

    Mais non ! Vous n’êtes que ceux qui prenez le risque d’acheter avant même que le produit existe ! Vous n’êtes que des clients qui avancez l’argent pour que celui qui produise vous livre !

    Il en résulte déjà un certain mépris de ceux qui aident car en retour ils n’ont que le produit alors que quelques part ils ont pris les risques d’investisseurs !

    Et bien sur il arrive aussi des affaire Occulus qui après succès se fait racheter par Facebook ! Quid de retour sur investissement pour tous les preneurs de risques !

    On ne cesse de le répéter : le partage est ailleurs que dans les projets « d’entreprises d’intérêts privés » … Il est dans les « associations d’intérêt général »

    Pour ceux que ça intéresse, une Box fait aussi partie des projets du Web3D++ .
    Les spécifications sont prêtes, y compris jusqu’à l’asso d’hébergements de sécu complémentarités qui vont avec en option !

    Mais « chez nous » on ne lance pas d’appel a crowdfunding temps qu’on ne trouve pas les bonnes compétences / participation en électronique et admin sys / serveur pour lancer le projet

    @Changaco
    Les promesses non tenues sont légion : en politique par exemple 😉
    Mais aussi sur bien des prestations traditionnelles etc … ou la promesse du mariage qui fini en divorce et bataille rangée ou les enfants trinquent !

  6. Laurent Napias dit :

    « … qui me semblerait sein … », victime d’une pub porno sans doute 🙂

    Il va falloir peut-être encadrer tout ça, j’ai en mémoire (lu mais ne retrouve plus la source) un appel à du crowdfunding dont le bénéficiaire s’était offert une voiture de sport et posait avec une multitude d’achats de manière tout à fait incorrecte.

    Au sujet des associations, j’ai appris (par deux témoignages sûrs au sujet de deux affaires distinctes) que parfois des responsables d’associations d’aide aux plus démunis en profitent pour se gaver en faisant largement profiter leurs relations. Ces personnes sont rapidement dénoncés et les choses rentrent rapidement dans l’ordre afin de pas jeter le trouble sur la grande majorité des bénévoles vertueux et honnêtes. C’est un bon exemple de réaction de la communauté face à des décideurs malhonnêtes.

  7. Gilles dit :

    Moi j’ai déjà crowfundé et reçu…

    M’enfin le coup de « ça existe déjà » + promesse de l’auteur que non…
    Vous connaissez Matchstick ?
    C’est la PROMESSE de Mozilla de faire du Chromecast « ouvert et Libre ».
    Sauf que comme c’est Mozilla on y croit.
    J’ai crowfundé mais je m’attends à autant de déboire que les possesseurs de l’OpenC de ZTE.

  8. badakTheOne dit :

    Bonjour,

    Vous dites dans votre article : « Je passerai sur certaines considérations qui me laisseraient penser que le crowfundig n’est qu’un pis-aller face à un système économique ou les acteurs traditionnels du financement ne font plus leur travail. »

    Pourriez-vous développer les considérations que vous mentionnez ?

    En effet, je ne partage pas votre opinion. Sur cette présentation Slideshare ( http://fr.slideshare.net/elephantsandventures/hardware-startup-financing ), se trouve un graphique (slide 10) qui montre notamment le montant des fonds levés aux USA pour les startups hardware : $848M en 2013 !
    Des initiatives existent également en France (Cf. 101 projets de Xavier Niel, Jacques-Antoine Granjon et Marc Simoncini).

    En France, l’épargne (10 300 milliards d’euros en 2011 d’après l’INSEE) est majoritairement placée dans l’immobilier, et le solde en produits financiers peu risqués (Livret A, LDD, etc.). Les fonds disponibles pour l’industrie du capital-risque sont ainsi moins élevés, du coup les fonds d’investissement sont moins bien dotés qu’aux USA. De plus, les investisseurs qui y placent leur argent le font souvent pour de mauvaises raisons (la déduction fiscale pour les FICP par exemple).

    Néanmoins, la source de financement n’est pas tarie comme vous le suggérez.

    D’une part le financement s’est globalisé : une startup française peut lever des fonds aux USA. C’est difficile, mais pas impossible. D’autre part, le financement reste possible (Business Angels, BPI, investisseurs), et les belles réussites existent.
    Pour ne citer qu’un exemple, la société indépendante de capital investissement ELAIA Partners a investi dans Criteo, et ainsi récupéré 60 fois sa mise de départ ( http://fr.itweb.tv/Marie-Ekeland-Elaia-Partners-Nous-avons-recupere-60-fois-notre-mise-avec-Criteo_v1324.html ). Une associée tire d’ailleurs un bilan rempli de réflexions utiles ( http://www.journaldunet.com/ebusiness/publicite/criteo-marie-ekeland.shtml ).

    Bref, à mon sens c’est une erreur de confondre kickstarter et levée de fonds. Kickstarter finance un produit, c’est un pré-achat. Un financement participatif de type « produit » permet généralement de crédibiliser un produit aux yeux du capital-risqueur (ou avoir l’effet inverse si la campagne échoue).
    Les levées de fonds permettent, au contraire, de développer la société et lui permettent, dans la durée, de recruter du personnel, de payer la R&D, et d’être accompagnée dans son développement.

    In fine, si un entrepreneur qui a monté sa boîte depuis 2 mois va voir une banque pour emprunter, elle lui dira non. Elle n’est pas méchante ou anti-innovation, ce n’est tout simplement pas son métier (de plus, une banque possède des contraintes légales de maîtrise du risque, mais c’est un autre sujet). En revanche, l’industrie du capital-risque est prête à financer des projets, elle est là pour ça.

    Je terminerai sur l’indicateur Chausson Finance ( http://www.chaussonfinance.com/indicateur/indicateur.htm ) :
    « Des investissements en hausse de 16% sur l’année : avec 490 millions d’euros investis sur le deuxième semestre et 911 millions sur l’année, le capital-risque aura connu en 2013 sa première année de hausse des investissements après deux années consécutive de baisse.  »

    Cordialement,

    badakTheOne

  9. Philippe dit :

    @badakTheOne : Je me base juste sur les échanges régulier que j’ai avec des entrepreneurs de tout secteurs. Beaucoup se sentent délaissés par leurs banques et je connais pas mal de projet en mode startup qui sont au point mort faute de financement. Mais je ne connais peut-être pas les bons…

    Un truc qui m’étonne sur l’infographie, plus d’argent pour moins de sociétés financés. Ce qui tendrait à dire que l’on ne finance que les gros ? Je connais principalement des « petits projets ». Ceci explique peut-être cela. D’autre part je vois aussi que sont essentiellement des 2ème tour de table qui sont financée et que la part de « seed » est relativement faible. Il serait bien de voir l’évolution de ces chiffres sur ses 20 dernières années.

    Au passage, KickStarter suspend la campagne de financement de l’Anonabox :
    http://www.lemonde.fr/pixels/article/2014/10/18/la-campagne-de-financement-de-l-anonabox-annulee_4508557_4408996.html

  10. Carl Chenet dit :

    Clairement bcp de crowdfunding n’aboutissent jamais sans aucune conséquence pour le fondateur. On a même des exemples pour la scène du LL française…